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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Reprise fémorales dans les arthroplasties totales itératives de la hanche : Reconstruction par allogreffe osseuse segmentaire

COURPIED JP

Séance du mercredi 15 décembre 2010 (SEANCE COMMUNE AVEC LA SOFCOT)

Résumé

Résumé : La diminution du stock osseux secondaire à l’ostéolyse péri-prothétique est une des difficultés majeure des reprises des prothèses totales de la hanche. Nous rapportons une série de 44 reconstructions fémorales par allogreffes massives segmentaires avec un délai d’observation moyen de 7 ans. Dans 26 cas la greffe a été encastrée dans le fémur restant et une tige fémorale de longueur normale a été utilisée le plus souvent, dans 18 cas ou le fémur supérieur était en partie détruit, une prothèse à longue tige a été utilisée tandis que les fragments corticaux restant étaient rassemblés autour de l’allogreffe.10 reprises chirurgicales seront nécessaires dont trois pour résorption de la greffe et une pour non consolidation.Le développement constant des prothèses totales de hanche depuis 35 ans génère aujourd’hui un nombre de plus en plus important de reprises chirurgicales. L’échec de l’arthroplastie s’accompagne de plus en plus fréquemment d’altérations majeures du capital osseux, le plus souvent cotyloïdiennes, mais également fémorales, et ce sont les plus difficiles à reconstruire. Pour ce faire nous avons développé à l’hôpital Cochin, l’utilisation d’allogreffes massives cortico-spongieuses. Le projet opératoire :Le but est de redonner à la hanche et au fémur une architecture satisfaisante. Le temps de reconstruction nécessite de prévoir à l’avance le type et les dimensions de l’allogreffe à utiliser, les éventuels renforts complémentaires à prévoir pour des défects segmentaires associés, et la longueur de la tige fémorale lorsqu’elle doit ponter une zone de fragilité corticale.La réalisation technique :Les altérations osseuses peuvent revêtir deux aspects principaux : soit, perte de substance cavitaire c'est-à-dire dans l'épaisseur du fémur avec conservation d'une continuité corticale, soit perte de substance corticale plus où moins étendue. Dans le cas d’un déficit cavitaire nous utilisons une allogreffe de fémur supérieur encastrée solidement dans le fémur hôte selon la technique dite « du double fourreau ». Il est alors possible de sceller ensuite une tige fémorale de longueur normale, n'excédant pas, vers le bas, l'extrémité distale de la greffe. La totalité de la greffe est au sein de l’os vivant du receveur, favorisant la fusion é entre allogreffe et fémur hôte.Dans les cas de pertes de substance corticale étendues, la solidité du fémur proximal ne permet plus l’encastrement d’une greffe d’épiphyse fémorale et nous utilisons alors la technique dite du fémur ouvert « en bivalve ». Une allogreffe segmentaire est utilisée pour remplacer le fémur supérieur, manchonnant une longue tige fémorale. Cette tige sera scellée distalement dans le fémur sain. Les deux valves fémorales, et tous les fragments ostéo-périostés résiduels sont ramenés ensuite sur la greffe et cerclés sur elle.Résultats : Nous rapportons les résultats de 44 reconstructions réalisées de 1986 à 1998, concernant 43 patients. Il s’agissait de 30 femmes et 13 hommes. L’âge moyen était de 65 ans (de 25 à 83 ans).23 hanches avaient déjà été opérées au moins une fois avant la première arthroplastie, et on dénombrait de 1 à 4 arthroplasties totales avant la reprise. Les allogreffes utilisées étaient dans 34 cas des fémurs supérieurs cryoconservés et irradiés (Stérilisation Gamma de 25 à 30 Kgrays), fournis par la banque de tissus osseux de l’hôpital Cochin, les autres greffes, provenant d’autres banques étaient simplement cryoconservées.La technique du « double fourreau » a été utilisée dans 26 cas. La longueur moyenne de la greffe implantée était de 19,5 cm (de 13 à 26 cm).La technique du fémur ouvert « en bi-valve » a été utilisée dans 18 cas. La longueur moyenne de l’allogreffe était de 18,5 cm.Le suivi moyen de la série était de 7 ans. 7 patients sont décédés entre la 2ème et la 8ème année postopératoire. Quatre patients ont été perdus de vue à 3,6 et 9 ans.Complications : 16 complications sont à déplorer sur 12 hanches : 9 pseudarthroses trochantériennes, 3 luxations, 3 fractures du fémur dont 2 à distance et une infection. Cela conduira à 12 réinterventions : 4 réinsertion trochantériennes, 2 ostéosynthèses du fémur, 2 reprises cotyloidiennes pour luxations récidivantes, 3 reprises fémorales pour descellement et une résection pour infection. Il n’y a pas eut de cas de contamination virale.Les résultats cliniques évalués avec la cotation de Merle d’Aubigné sont bons 34 fois et médiocres ou mauvais 10 fois.L’étude de la fixation de l’implant fémoral montre une stabilité dans 40 cas. Il y a 3 descellements dans la première année liés à une résorption étendue de l’allogreffe, sans processus infectieux mis en évidence et un descellement secondaire à une non consolidation entre greffe et fémur.Conclusions :L'encastrement d'une greffe segmentaire est une bonne technique de reconstruction pour renforcer un fémur fragilisé, souvent dilaté, mais conservant une résistance mécanique suffisante. La reconstruction par greffe segmentaire sans encastrement, c'est-à-dire implantée dans un fémur ouvert en bi-valve ou fragmenté donne des résultats moins bons que la technique d'encastrement, mais s'adresse à des fémurs plus détériorés.Les limites des arthroplasties itératives se trouvent parfois dans l'état général puisqu'il s'agit de patient de plus en plus âgé, mais surtout dans les difficultés de reconstitution des capacités musculaires. Même en cas de bonne reconstruction osseuse, les hanches, au fil des arthroplasties, sont instables, occasionnent des boiteries avec souvent des douleurs persistantes. Il faut régulièrement suivre les patients porteurs de prothèse de la hanche pour déceler à temps des modifications osseuses afin de pouvoir ré intervenir avant que les lésions ne soient trop graves. C'est actuellement la meilleure façon de procéder pour donner une seconde vie prothétique de qualité.