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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Éloge de Christian Chatelain

François RICHARD

Séance du mercredi 07 février 2024 (Communications libres)

N° de DOI : 10.26299/nnbh-gs52/emem.2024.05.01

Résumé

Le Professeur Christian Chatelain (Fig 1) est décédé dans sa 92e année, le 26 juin 2023, à Paris.

Originaire d’une petite ville de mineurs du Nord, Aniche, dont son père était le médecin, véritablement généraliste pratiquant toute la petite chirurgie des nombreux traumatismes inhérents au travail de la mine, il décida de devenir chirurgien des l’age de 7ans. Mais son quotidien fut rapidement et profondément perturbé par la seconde guerre mondiale, l’évacuation familiale avant un retour difficile en zone dévastée, puis l’inquiétude pour son père résistant. Pensionnaire au collège à Douai, pour supporter cette période anxiogène, il se plongea dans la musique sous la bienveillante direction du titulaire de l’orgue de la Collégiale Saint Pierre, orgue commandé par le Tsar Nicolas II avant 1917, mais jamais livré. Plus tard il obtint ensuite quelques diplômes de violoncelliste et une proposition de membre du conservatoire régional qu’il du décliner sa famille s’installant à Paris.
Il s’inscrit au PCB, est stagiaire chez Pasteur Valery Radot puis Henri Mondor et s’initie à l’anatomie au Fer à Moulin où il emmenait son violoncelle avant de rejoindre son groupe de musique de chambre.
Il fit un externat long car nommé tardivement à l’internat, ce qu’il considérait comme une chance : celle d’avoir d’abord appris la médecine.
Apres un an d’internat chez Guenin à Ivry, il souhaita faire une année au Canada, au Royal Victoria à l’Université Mc Gill , ce qui surpris à l’époque puis il continua son internat parisien chez Lucien Leger, Gabriel Laurence, Jean Patel ,Alain Mouchet puis René Kuss qui orienta définitivement sa spécialisation et sa carrière professionnelle.
A l’époque, René Kuss, venant de Cochin chez Bernard Fey, avait constitué une première équipe (Fig 2) particulièrement brillante avec Maurice Camey et Jean Marie Brisset auxquels Christian Chatelain , allait s’adjoindre en 1963 comme chef de clinique avant de devenir son premier agrégé en 1970 ( Camey étant à Foch et Brisset à Choisy). Le service de St Louis étant à temps partiel, Christian Chatelain avait accepté d’être consultant en urologie en chirurgie pédiatrique à Bretonneau avec Marcel Bourreau (de 1962 à 1976), il avait aussi une activité libérale en clinique comme l’autorisait le mi-temps hospitalier à l’époque . Ces activités lui donnèrent une expérience considérable et l’amenèrent naturellement à s’impliquer dans deux des thématiques innovantes des années soixante, la « greffe rénale » et la « chirurgie reconstructrice de la voie excrétrice urinaire » après séquelles tuberculeuses.
Les conditions matérielles étant difficiles à St Louis, ce qui expliquait que toute l’activité de transplantation avait lieu à Foch, , René Kuss ne poursuivit pas la tradition de déménagement successif de services en services, rythmé en fonction des retraites des prédécesseurs au Bureau Central et selon un ordre de prestige ne concordant pas toujours d’ailleurs avec des critères qualitatifs. Il répondît donc favorablement à la proposition de création et de direction d’un nouveau service moderne d’urologie à La Pitie Salpetrière (Fig 3) et constitua autour de Christian Chatelain une nouvelle équipe avec Alain Jardin, Michel Le Guillou et Philippe Thibault .Il chargea de contrôler ensuite sur place , la bonne exécution des plans du futur service. A partir de l’été 72 les patients opérés à St Louis, dans le service d’urologie qui allait fermer, passaient la période postopératoire à Gaston Cordier qui ouvrit officiellement en octobre 1972. . Christian Chatelain y créa aussi un secteur d’urologie pédiatrique au 4ème étage et organisa la prise en charge urologique opératoire des traumatisés neurologiques venant de Raymond Poincaré à Garches. Enfin il participa avec Rene Kuss à la constitution de la 3eme équipe avec François Richard, Richard Fourcade, Guy Vallancien, et Alain Haertig. (Fig 4)


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Sa notoriété européenne et internationale s’amplifia avec ses travaux sur la cancérologie urologique, la Bilharziose et sur les traumatismes rénaux effectués à la Pitie à partir de 1972.
En 1983, Christian Chatelain succède à René Küss au pavillon Gaston Gordier et dirigera le service pendant 14 ans.
L’importance et la qualité de ses activités cliniques et opératoires sont évidentes à la lecture de ses « titres et travaux » ; chirurgien de formation classique, avec cependant comme tout urologue une expertise indiscutable en endoscopie, il a toujours favorisé le développement des nouvelles technologies par les membres de son équipe ; chirurgie per cutanée et coelioscopique, ultrasons à haute intensité et ondes de choc, radiofréquence et cryothérapie, sphincter artificiel et chirurgie fonctionnelle, prothèse implantable et neuromodulation. Sa capacité à déléguer en tant que chef de service et la confiance qu’il avait dans ses collaborateurs doivent être soulignée car c’est ainsi qu’il créera l’une des équipes urologiques françaises les plus renommées et ( Fig 5) qu’il en partagera l’organisation et la direction, sans jamais aucune discorde, avec celui qu’il avait fait revenir dans le service pour ultérieurement lui succéder ; ainsi en deux chefferies l’effectif du service passa de 2 PUPH et 2 PH à 5PUPH et 5PH. L’innovation et la transmission l’ont toujours intéressé comme en témoigne son implication dans la publication des « Seminaires d’Uro-Néphrologie » de la Pitié-Salpétrière qu’il dirigea de 1984 à 1997 avec Marcel Legrain puis Claude Jacobs ou son rôle avec Saad Khoury à partir de 1991 dans les « Consultations Internationales d’Urologie » organisées avec l’Association Américaine d’Urologie.
Sur le plan administratif national, il sera le président de la commission nationale d’appel de qualification en urologie au Conseil national de l’Ordre, il favorisera le regroupement entre le syndicat des Urologues Universitaires et celui des Libéraux et sera élu président du Syndicat National des Chirurgiens Urologues Français de 1987 à 1993, il présidera le 84° congres français d’urologie (1990) et le 98° congrès de chirurgie (1996). Il obtiendra la première médaille d’or « Felix Guyon » (1996) de l’Association Française d’Urologie.(Fig 6) Il sera un membre fondateur du comite histoire de l’AFU, ici au centenaire de la création de l’Urologie. (avec R.Kuss et F Richard)
A 65 ans Christian Chatelain, poursuit son activité clinique en tant que consultant pendant 3 ans, et est chargé d’un rapport global sur les activités cancérologiques de la Pitie Salpetrière.
Il est Chevalier de la Légion d’Honneur depuis 1998. Il devient Président de L’Académie Nationale de Chirurgie en 2005. Il reçoit en 2007 le « Distinguished career Award » de la Société Internationale d’Urologie. Enfin, après avoir présidé pendant 4 ans la 2eme division, il devient Président de l’Académie de Médecine en 2018.
Pour toutes les personnes qui ont travaillé à la Pitié-Salpêtrière le nom de Christian Chatelain évoque un chef de service apprécié, un chirurgien urologue brillant et efficace, un collègue chaleureux et bienveillant, un patron proche de ses assistants et de ses internes, un médecin connaissant chacune de ses infirmières, accessible à tous et surtout attentifs aux patients.
Rappeler une carrière est nécessaire pour enrichir l’histoire de la médecine et surtout rendre hommage à l’œuvre et au souvenir du disparu. Mais lorsque les liens sont particulièrement forts entre le maitre et les élèves comme c’était le cas avec Christian Chatelain cette proximité n’est véritablement ressentie qu’en lisant les premières réactions à son décès de ses anciens chefs de cliniques :

« Il laissera le souvenir d'un merveilleux clinicien, très proche et aimé de ses malades comme de ses élèves

« Une porte ouverte où il était possible, à toute heure d’obtenir un conseil sage et salvateur.

« Nous avons tous apprécié l'homme et le chirurgien, admiré "l'artisan" habile et expérimenté, et le maitre accessible et plein de bon sens. »

« C’était un bon patron, quelqu’un pour qui on avait du plaisir à travailler. C’était quelqu’un qui a su s’entourer »

« Christian Chatelain s’en est allé vers de nouveaux horizons, lui le grand voyageur. Il nous a laissé de nombreuses pistes urologiques dont la précision n’avait d’égale que l’élégance des gestes. »

« Nous lui devons tant ! tant de leçons techniques , de choix thérapeutiques judicieux - et de bons souvenirs . »


« Lors de mon année d'internat passée à son étage . Cette année fût, la plus belle année de mes études de médecine. »

« Christian , c’était :

- l’excellence du geste chirurgical depuis la préparation du champ opératoire jusqu’à la qualité de la cicatrice….
- le raisonnement médical rigoureux
- un esprit tolérant , sans préjugés ni jugement,
- une culture générale devenue rare . »

« Je garderais le souvenir d’un homme d’une grande qualité humaine
J’aime me rappeler sa discrétion, ses conseils , et son humilité. »

« Admiration et affection filiale pour ce maître exceptionnel
Respect pour l'humaniste bienveillant et "l'homme de bonne volonté" qu'il a été. »

Christian Chatelain a été inhumé le vendredi 30 juin 2023 au cimetière de Passy à Paris, au coté de son épouse Sylviane Chatelain dont le décès accidentel fut pour lui une tragédie.