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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Quelle dégradation et pourquoi : le point de vue du chef de service

Hervé FERNANDEZ

Séance du mercredi 26 février 2020 (L'Hôpital : la crise)

N° de DOI : 10.26299/7kse-4a18/emem.2020.09.01

Résumé

Ma démission de Chef de Service de gynécologie – obstétrique à l’APHP est la conséquence d’un long processus observé par nombre de praticiens des hôpitaux publics, majorée par l’absence de combat commun avec notre administration. Cette démission doit représenter un geste politique fort qu’il faut assumer.

Comment on est-on arrivé là : la loi HPST a instauré un pouvoir unique à l’hôpital, indépendant des médecins et des soignants. Le Directeur est devenu tout puissant, a multiplié les sous directions, ce qui a coupé tout lien entre les soignants et l’administratif. Dans le même temps, on a généralisé pour le financement hospitalier la tarification à l’activité. L’initiative d’emblée avait semblé séduisante car elle favorisait les services à forte activité, même si la santé publique n’est pas toujours en lien avec cette forte activité. Cependant, plus l’activité a augmenté, plus les tarifs ont baissé car l’enveloppe budgétaire des hôpitaux votée par les Députés était bloquante. C’est ainsi que depuis 10 ans, ce fameux ONDAM augmente d’environ 2 % par an, alors que pour la Cours des Comptes l’augmentation des dépenses hospitalières est proche de 4 %. La conséquence est que depuis 10 ans on observe une « économie » dans les hôpitaux publics de 800 millions par an. Cependant les hôpitaux ont continué à prendre en charge les progrès médicaux et pour nous chirurgiens, les nouvelles techniques opératoires associées à des nouveaux équipements coûteux. La productivité a augmenté, alors que le personnel n’a augmenté que de 2 % en 10 ans, sans lien avec l’augmentation de cette activité.

L’ensemble des économies s’est fait essentiellement sur le dos du personnel, en faisant disparaitre les services, on a fait disparaitre une appartenance à une « famille ».

Les salaires des personnels non médicaux ne sont plus attractifs dans les hôpitaux publics, et à juste titre, ceux-ci vont dans les structures privées. Le salaire des jeunes médecins reste faible, avec des luttes permanentes pour obtenir des titularisations, qui sont le plus souvent non acceptées par les plans d’économie, justifiant même la diminution des contrats pérennes. Si l’on ne fait rien les Médecins vont quitter l’hôpital avec le « TROU » de soignants et de formateurs que cela va engendrer.
Le Gouvernement actuel s’enorgueillit de la disparition du numérus clausus en oubliant que si l’augmentation des étudiants n’est pas en adéquation avec l’augmentation du nombre des enseignants, ceci aboutira à un échec.

Les services d’urgence ont été les premiers à craquer, et le premier plan proposé a été insuffisant. Il est urgent de redonner un volant financier à l’hôpital public pour faire face à ses missions.
Pour prendre l’exemple récent du risque de pandémie au Covid – 19, on oublie de dire que s’il n’y a pas de réforme de fonctionnement hospitalier et des urgences, il n’y aura pas de possibilité de répondre à un risque de pandémie. Il est urgent de revaloriser les salaires des personnels soignants, de réintroduire le service au centre de la gouvernance de l’hôpital afin que les Directions puissent avoir des interlocuteurs ciblés dans chaque discussion. L’heure du choix est maintenant venue. Les médecins démissionnaires comme moi-même ne demandons rien pour nous, mais nous souhaitons la mise à plat du système actuel avec des moyens en regard de nos missions attribuées, mais qui deviennent irréalisables.