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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Renforts de paroi : Comment marier innovation et sécurité ?

GILLION JF

Séance du mercredi 15 janvier 2020 (Prévenir et traiter une éventration)

N° de DOI : 10.26299/kyfj-6p28/emem.2018.3.008

Résumé

En matière de sécurité des DMI il y aura un avant et un après MDR, fameux Règlement Européen EU 2017/745.
Contrairement aux médicaments, les DMI n’étaient régulés que par un ‘simple’ marquage CE. Le scandale des prothèses PIP en a montré ses limites (Fabrication frauduleusement modifiée après marquage CE) et initié la rédaction d’un texte plus contraignant (MDR) dont la mise en application a été accélérée suite au pseudo scandale (Implant files) dit du ‘filet à mandarines’.
Les renforts de paroi sont passés en classe IIb ou III (notamment si imprégnés), le marquage CE n’est plus délivré ‘ad vitam aeternam’, les contrôles sont effectués annuellement par les Organismes Notifiés (ex. GMED) eux-mêmes plus sévèrement contrôlés. Et l’ANSM assure la police sanitaire.
Le MDR introduit l’obligation pour les industriels d’organiser une surveillance clinique post marquage, renouvelée tous les ans, pour chacune de leur références mises ou conservées sur le marché.
Cette sécurité a un coût, élevé, difficile à répercuter sur les prix de vente des DMI qui dans notre spécialité sont inclus dans les GHS, incitant les industriels à réduire leurs coûts de promotion, déjà réduits par la ‘contribution’ DPC qui peut atteindre près de 2 % de leur CA. Ils vont probablement réduire la gamme de leurs DMI en commençant par les produits ‘de niche’ et réduire le poste ‘innovation’. La recherche est très onéreuse. Les ‘Majors’ risquent de la réduire, les PME n’en feront plus du tout et essaieront de survivre avec le générique.
Avant MDR, le collègue porteur d’un projet innovant (pas la simple ‘customisation’ d’une prothèse) pouvait frapper à de nombreuses portes, des Majors certes, mais aussi des PME très réactives, le DMI était marqué CE et c’était le marché qui en faisait le succès ou non (les collègues utilisaient ou non). Depuis MDR, le choix des innovations ne sera plus fait par les collègues mais en amont par le staff des Majors qui peut choisir et imposer la mauvaise innovation sur des critères marketing (ex. prothèse récemment retirée du marché pour insuffisance). Reconnaissons tout de même que les projets portés par les industriels, ça ne marche pas si mal que çà : prothèses bifaces, light, biologiques, synthétiques lentement résorbables ..., robot opératoire ...
On risque juste d’avoir une raréfaction des innovations, au lieu du foisonnement que l’on a connu. Alors, tout laisser aux mains des Majors ou installer un laboratoire d’idées au sein d’une pépinière de startup, sous contrôle d’une agence ??
Pour l’innovation il faudra peut-être innover ?
En tout cas, ce MDR ne doit pas être vécu comme uniquement contraignant, mais aussi et surtout protecteur, pour le patient (c’est le but), pour le chirurgien, et pour l’industriel en ce sens qu’il les empêche d’implanter un DMI insuffisamment contrôlé et ses conséquences.
Pour l’innovation, il faut voir autrement !