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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Chirurgie d’urgence en contexte d’attentat : quelle organisation proposée ? Rapport de l’AFC 2019

HORNEZ E | E Benizri | C Arvieux | P Balandraud

Séance du mercredi 19 juin 2019 (Séance commune avec l'AFC : Innovations organisationnelles : Nouvelles modalités - Nouvelles pratiques des soins)

N° de DOI : 10.26299/byh8-5221/emem.2018.1.018

Résumé

Le terrorisme par attentat se présente dorénavant sous de nouvelles formes, et ces dernières années ont vu apparaître la notion d’attentats de masse, ou « d’hyper-attentats ».
La chirurgie continue d’évoluer et les dernières évolutions concernent les voies d’abord ainsi que les cheminements, avec le développement du concept de chirurgie mini-invasive, et surtout la spécialisation des chirurgiens à l’intérieur même d’une spécialité. On le voit dans la réforme du troisième cycle, qui s’accompagne d’une filiarisation précoce et qui a vu disparaître le DES de chirurgie générale.
Le sujet du rapport de l’AFC 2019, original par rapport aux sujets habituels, traitait de la chirurgie d’urgence en contexte d’attentat. Ce rapport a été l’occasion d’analyser, au moyen d’un questionnaire, l’expérience des chirurgiens francophones dans le domaine de la traumatologie de masse, et, en cas de non-expérience, la sensation d’aisance à faire un certain nombre de procédures, à s’ils étaient confrontés à un afflux massif de blessés.
Les résultats de cette enquête montrent une certaine hétérogénéité dans la formation, dans les pratiques et dans la sensation d’aisance en cas de traumatologie de masse. Ils mettent en évidence un besoin en formation théorique et pratique en traumatologie viscérale et extraviscérale. Ces résultats amènent à proposer des axes d’amélioration, du point de vue de la formation et du point de vue de l’organisation des soins en traumatologie.
Du point de vue de la formation, hyper-attentats et hyperspécialisation ne vont pas ensemble. La formation des chirurgiens à la prise en charge des blessés par attentats doit être prise en compte par nos tutelles. Il existe déjà plusieurs formations complémentaires : DU, DIU, CaChirMex (cours avancé de chirurgie en missions extérieures), DSTC (Société Française de Chirurgie d'Urgence), ASSET (Advanced Surgical Skills for Exposure in Trauma). Et en miroir à la filiarisation voulue par la réforme du troisième cycle, nos tutelles nous ont demandé de créer une FST (Formation Spécialisée Transversale) dédiée, dont l’intitulé est justement « FST de chirurgie de guerre et de catastrophe ».
Du point de vue de l’organisation des soins en traumatologie en France, on observe encore un important retard par rapport aux pays anglo-saxons. On sait que l’établissement de « trauma system » s’est traduit dans ces pays par une amélioration globale de la prise en charge des traumatismes graves, en développant des stratégies de recherche et de prévention, en organisant la prise en charge des traumatismes aux échelons régional et national, en standardisant la formation et l’entraînement des équipes à la prise en charge des traumatismes et en améliorant l’efficience de l’hospitalisation, par une diminution de la DMS en MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) et l’optimisation des suites après MCO.
Deux symposiums ont été menés fin novembre 2017, à Grenoble, puis en décembre 2018 à Genève. Ces réunions ont eu comme objectifs :
1. Établir des réseaux de soins en traumatologie et des registres de traumatologie ;
2. Structurer les pratiques en chirurgie ;
3. Structurer les pratiques en radiologie, qu’il s’agisse de radiologie, diagnostique ou interventionnelle ;
4. Structurer l’enseignement de la traumatologie, discipline transversale.
Ces réunions ont fait participer des représentants des différentes sociétés savantes impliquées dans la traumatologie et ont abouti à un groupe de travail, appelé le GITE (groupe d’intérêt pour la traumatologie grave).
Un certain nombre propositions ont été issues de ces réunions, notamment :
- la supervision des réseaux de soins en traumatologie à un niveau régional, et aussi national, avec donc la délivrance d’agréments de différents niveaux ;
- l’établissement de standards de prise en charge aux niveaux préhospitalier, réanimatoire, chirurgical et radiologique ;
- l’établissement d’un registre national de la traumatologie, permettant notamment le suivi d’indicateurs épidémiologiques facilitant la prévention, la recherche et la formation.
Au final, les résultats de l’enquête AFC 2019 sur la chirurgie d’urgence en contexte d’attentat doivent nous sensibiliser sur notre préparation aux éventuelles situations de traumatologie de masse qui pourraient à nouveau survenir. Cette préparation passe par une adaptation de la formation des chirurgiens, et par la mise en place de réseaux de soins en traumatologie, qui fait intervenir de nombreux acteurs de soins parmi lesquels les chirurgiens ont leur place à part entière.