Doit-on continuer à imposer une stomie d'amont systématique après une anastomose colorectale ?Should we continue Imposing an Ahead Systematic Stomia after a Colorectal Anastomosis ?
Séance du mercredi 27 avril 2016 (COMMUNICATIONS LIBRES)
Résumé
Le taux de survenue d'une fistule anastomotique dans la chirurgie colorectale est de l'ordre de 6 à 10 % dans la plupart des statistiques. Faut-il imposer à 9 patients sur 10 qui ne feront pas de fistule anastomotique une stomie d'amont dont on connaît les aléas ? Ce problème pose débat depuis de nombreuses années et il est malheureusement occulté pour des raisons de responsabilités juridiques, certains Experts n'hésitant pas à condamner le chirurgien qui n'a pas réalisé de stomie d'amont systématique lorsque surviennent des complications post-opératoires, mais également parce que certaines écoles chirurgicales, et non des moindres, ont érigé cette stomie d'amont en dogme. Formé à l'école de la conservation sphinctérienne sans protection d'amont dans la chirurgie du cancer du rectum à la clinique chirurgicale A. de NANCY, nous avons étendu ce principe à toutes les anastomoses colorectales même après radio-chimiothérapie préopératoire. Une statistique personnelle de 86 cancers du rectum opérés de 1983 à 1988 comportait 28 amputations, 31 anastomoses colorectales pour des tumeurs de la partie haute du rectum sans radiothérapie préopératoire avec trois fistules et 27 tumeurs du bas rectum avec radiothérapie préopératoire n'ayant entraîné que deux fistules avec des suites favorables. Même après radiothérapie préopératoire, la réalisation d'une anastomose colorectale, sans stomie d'amont, ne nous paraissait pas une aberration et ceci était d'autant plus important que tous les cancers du rectum allaient bénéficier par la suite d'une radiothérapie préopératoire. L'équipe de LOUVAIN a démontré qu'une simple stomie d'amont ne diminuait pas le nombre de fistules mais rendait les complications moins graves par rapport à celles survenant en l'absence de stomie. Pour éviter toute perte de chance dans ce dernier cas, il convient d'être très vigilant dans les deux premiers jours post-opératoires et, en se fondant essentiellement sur des données cliniques qui évoquent un état pré-fistuleux de l'anastomose, réaliser un anus transverse droit avant la reprise du transit. Reste le problème épineux de savoir pourquoi chez des patients identiques, opérés avec la même technique opératoire, ayant bénéficié d'une anastomose colorectale bien vascularisée, sans tension, certains feront une fistule et d'autres n'en feront pas. Une réponse viendra peut-être de la poursuite des études sur le microbiote intestinal qui, pour le Professeur CHANGEUX, neurobiologiste bien connu de l'INSTITUT PASTEUR et du COLLÈGE DE FRANCE, constitue l'avancés principale de la médecine en 2015. La muqueuse intestinale dont les cellules ont une durée de vie de seulement trois jours est en effet en contact permanent avec ce microbiote dont la complexité est progressivement mise en lumière avec des bactéries qui ont un effet eutrophique sur la cicatrisation et d'autres un effet délétère. Au vu de ces éléments on peut envisager en rêve que les chirurgiens, premiers intéressés par les fistules intestinales anastomotiques, se détourneront de la stomie d'amont pour descendre jusqu'au problème intime de la cicatrisation intestinale en favorisant l'analyse du microbiote en préopératoire pour le corriger éventuellement. L'éradication d'Helicobacter pylori a bien permis la cicatrisation définitive des ulcères duodénaux !À l'heure de la chirurgie mini-invasive, de la réhabilitation précoce et de la chirurgie ambulatoire, il est aberrant, au nom de dogmes complètement dépassés et de crainte d'un procès, que l'on continue d'imposer des gestes inutiles et non dénués de complications à la totalité des patients pour le bénéfice de quelques-uns, qui font une fistule mais qui n'auraient de toute façon pas subi de perte de chance si on avait appliqué cette nouvelle stratégie. La condition incontournable est de suivre ses patients de façon rigoureuse et d'intervenir précocement en cas de complications.Il est urgent qu'une étude prospective, menée par des chirurgiens hospitaliers et libéraux, valide définitivement cette stratégie pour ensuite la diffuser.