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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Actualités des plaintes en chirurgie herniaire

ALEXANDRE JH | CLOTTEAU JE

Séance du mercredi 27 mai 2015 (LA CHIRURGIE DES HERNIES DE L'AINE. QUE RESTE-T-IL A AMÉLIORER ?)

Résumé

Si l’on connaît à travers les publications le nombre de complications graves ou moins sévères qui émaillent la chirurgie des hernies inguinales, il y a peu d’écrits révélant, chiffres à l’appui, le nombre de plaintes déposées et leurs suites. Les critères de succès pour le chirurgien et son patient après cures de hernies sont devenus plus exigeants: certes la non-récidive reste l’enjeu premier, mais il est suivi de près par l’absence de douleurs et la qualité de vie.Nous avons étudié 77 plaintes recensées après cures de hernies inguinales durant onze ans, entre 2003-2014, période se situant après la courbe d’apprentissage de la laparo-chirurgie, les indications et choix en matière de techniques utilisées étant bien établis pour chaque chirurgien. 140.000 hernies sont opérées en moyenne en France chaque année.Ainsi le PMSI nous révèle que 143.000 cures de hernies inguinales ont été répertoriées en 2013, 66,3% l’ont été par voie ouverte, 33,7% par voie laparoscopique.Nous avons récolté et analysé 77 plaintes publiées par le groupe d’assurances MACSF - le SOU Médical, relatives à l’activité de 2411 chirurgiens libéraux représentant environ 2/3 des chirurgiens français. Ces 77 plaintes sont donc à rapprocher d’un chiffre estimé à 60 000 interventions réalisées par eux chaque année.A priori le chiffre de plaintes déposées connues apparaît donc faible et plutôt rassurant : il ne tient pas compte des plaintes traitées directement entre plaignant et chirurgiens..Nous avons séparé les plaintes en deux groupes : après chirurgie ouverte n=38 et après chirurgie laparoscopique n=36.Dans les deux groupes, les neuralgies viennent en tête des plaintes respectivement 13 et 6, puis viennent les atrophies testiculaires 13/3, les plaintes pour récidives 6/2, les sepsis 4/3, lymphoceles 3/1, les oublis de corps étranger oublié 1/1, Après chirurgie ouverte il faut ajouter :une oligospermie alléguée, un hematome scrotal important, suivi de choc cardiogénique, une plainte pour préjudice sexuelDans le groupe laparoscopique il y a eu plaintes pour 8 perforations intestinales (grèle 6, colon 2) pour trois infections profondes, (aucune en cas de chirurgie ouverte), pour 5 complications hémorragiques, dont deux intra péritonéales (épiploon et estomac) pour 3 hématomes dont un ayant entraîné une récidive, deux plaintes pour récidive, une pour paraplégie après épidurite.Il y a eu 3 décès dans le groupe chirurgie ouverte et 6 dans le groupe laparoscopique.Ces chiffres doivent impérativement être rapportés au nombre respectifs d’interventions ouvertes : 66% et laparoscopiques: 34%.Il en découle: 1/dans le groupe laparoscopique le nombre de plaintes a été double,2/le nombre de plaintes pour décès a été quatre fois plus important dans le groupe laparoscopique.3/ la cause des décès a été très différente : -hernies étranglées (2) et sujet cardiaque âgé (1) en cas de chirurgie ouverte, et -hémorragies sévères (2), sepsis graves (3) et infarctus intestino mesentérique(1) après laparoscopie.Ces chiffres concordent avec ceux publiés dans Hernia (2010) émanant du « England National Health Service Litigation Authority », où, à propos de 398 plaintes déposées en 14 ans, 40% des plaintes proviennent après atrophies testiculaires et douleurs chroniques, et où sont données pour gagnantes au tribunal les plaintes pour accidents vasculaires et viscéraux liés à la laparochirurgie.Dans notre pays, le nombre de plaintes traitées par la Justice ou le CCI représente 25% des plaintes adressées: la plupart des plaintes adressées aux chirurgiens et transmises aux compagnies d’assurances (75%) sont en effet traitées de façon « amiable », le plus souvent entre les compagnies d’assurances.Parmi les 25% de dossiers judiciaires, les tribunaux civil et pénal traitent 55% des plaintes, 45% le sont au CCI. Au Pénal aboutissent surtout les plaintes pour décès où les chirurgiens sont condamnés dans 45% des cas.(au Civil dans 60%).En cas de faute reconnue le coût total de la procédure ajouté à celui de l’indemnité accordée est extrêmement variable. L’évaluation des préjudices dépend de beaucoup de facteurs (dont le type de procédure, le type de patient, la gravité du préjudice, (calcul de déficit fonctionnel temporaire total, ou partiel, ou permanent, préjudices doloris, esthétique, sexuel) la pugnacité du juge et celle des avocats : le tout peut varier de 3000€ pour une atrophie testiculaire à 130.000€, par exemple, pour un décès après chirurgie laparoscopique. Pour éviter les plaintes les mesures préventives sont bien connues de tous: la parfaite indication à telle technique et la maîtrise de l’acte, en particulier en laparo-chirurgie, l’exposé d’un consentement éclairé complet indiquant bénéfices, alternatives, complications risquées, anesthésie proposée, techniques :ouverte ou laparoscopie, (le pourquoi, la possible conversion),le type de prothèse ,la chirurgie ambulatoire et ses impératifs.La grande majorité des plaintes provient de l’insuffisance de renseignements fournis au patient en cas d’accident: entretenir un dialogue explicatif et compassionnel avec lui reste le meilleur moyen d’éviter tout litige.Commentateur : Philippe BREIL (Paris)