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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

La maladie des exostoses multiples : orientations nouvellesMultiple Hereditary Exostosis: New Orientations

COTTALORDA J | LOUAHEM D | MAZEAU P | WEISS A | L'KAISSI M | DELPONT M

Séance du mercredi 17 décembre 2014 (SÉANCE COMMUNE AVEC LA SOFCOT : CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE PÉDIATRIQUE)

Résumé

La maladie des exostoses multiples (MEM) est une maladie héréditaire à transmission autosomique débutant dans l’enfance. Sa prévalence est estimée à 1/50 000 naissance. Les mutations responsables de la maladie ont été identifiées dans la famille de gènes suppresseurs de tumeurs EXT. L’EXT1 est localisé sur le chromosome 8 et l’EXT2 sur le chromosome 11. La mutation des gènes EXT1 et EXT2 sont respectivement responsables dans ½ et 1/3 des cas de MEM. Un troisième locus EXT3 a également été localisé sur le bras court du chromosome 19. La forme liée au chromosome 8 (EXT1) semble plus sévère. Les mutations de ces gènes font apparaître un codon stop prématuré, entraînant un défaut de synthèse de l’exostine qui serait à l’origine d’une disparition de l’activité « tumeur suppressive » d’un gène et autoriseraient donc le développement des exostoses en prédisposant au risque de transformation sarcomateuse à type de chondrosarcome de bas grade de malignité. La MEM est caractérisée par la prolifération d’excroissances multiples bénignes développées à la surface métaphysaire des os à ossification enchondrale, au contact de la plaque épiphysaire. Elle entraine un remodelage osseux métaphysaire, des déformations osseuses et une asymétrie de croissance des os longs. Les déformations osseuses les plus fréquemment rencontrées incluent une petite taille finale, une inégalité de longueur des deux membres inférieurs, des déformations fémoro-acétabulaires, une coxa valga avec une dysplasie de hanche, un genu valgum, un valgus des chevilles et des déformations des avant-bras. Les auteurs ont focalisé cette étude sur des points qui ne font pas l’unanimité dans la littérature : la chirurgie modifie-t-elle ou pas l’évolution naturelle de ces exostoses, en particulier au niveau de l’avant-bras et des chevilles, quelle est la fréquence des exostoses intra-canalaires et quelle attitude thérapeutique adopter, quel est le risque réel de transformation maligne de ces tumeurs à l’âge adulte ? Déformations des avant-bras : La dysharmonie de croissance entre radius et ulna existe dans 30 à 60 % des cas. Cette dysharmonie associe une main bote ulnaire, une arcature des deux os de l’avant-bras, un accourcissement relatif des os touchés et une subluxation ou une luxation de la tête radiale. Les patients sont essentiellement gênés par l’aspect cosmétique des déformations. La revue de la littérature est assez contradictoire. Certains auteurs recommandent une attitude « agressive » avec des interventions précoces pour prévenir ou ralentir la progression des déformations et améliorer la fonction (ou les deux). Il n’existe pas de corrélation entre la correction de la déformation et l’amélioration de la fonction. Il apparaît cependant dans la littérature récente que le résultat de cette chirurgie (jugée de manière subjective et objective) n’apporte pas d’amélioration évidente de la fonction. La chirurgie corrige des déformations fonctionnellement peu gênantes mais est inefficace pour améliorer la pronosupination. De plus les patients non opérés sont peu gênés à l’âge adulte par leurs déformations. Finalement le gain de la chirurgie porte essentiellement sur l’amélioration cosmétique. Les déformations résiduelles, qu’elles soient secondaires à l’évolution naturelle de la maladie ou à des défauts de correction chirurgicale, sont bien tolérées à l’âge adulte. L’allongement de l’ulna est une intervention actuellement très controversée.Déformations des chevilles : Elles surviennent dans environ 50 % des cas. Un raccourcissement relatif de la fibula associé à un interligne tibial distal oblique entraîne une déformation en valgus de la cheville. La chirurgie de correction associe de manière variable une résection de l’exostose, un allongement de la fibula, une ostéotomie tibiale et une épiphysiodèse latérale de la physe tibiale distale. Une attitude chirurgicale préventive chez l’enfant pour réaligner la cheville sous le tibia est recommandée pour éviter un taux élevé d’arthrose de cheville à l’âge adulte.Exostoses intra-canalaires : Des publications récentes ont montrées un taux d’exostoses intra canalaires non négligeable (68 %) avec des compressions médullaires (27 %) ce qui justifie un dépistage systématique de ces exostoses par un examen clinique et une IRM vers l’âge de 10 ans pour prévenir d’éventuelles complications neurologiques. La résection des exostoses qui entraînent une compression nerveuse est obligatoire d’autant plus que la récupération neurologique est toujours favorable et le risque de récidive très faible. Pour certains auteurs, les exostoses asymptomatiques doivent juste être surveillées. Transformations malignes : La transformation maligne est exceptionnelle chez les enfants. La prévalence du risque de transformation maligne est d’environ 2 %. 80 % des tumeurs se développent sur le squelette axial. L’information et l’éducation sont primordiales : toute modification de taille ou l’apparition d’une douleur à l’âge adulte sur une exostose connue doit amener le patient à consulter. Les exostoses situées au niveau du bassin, de l’omoplate ou aux racines des membres et les exostoses sessiles dégénèrent plus que les autres. Si certaines lésions sont cliniquement faciles à surveiller, d’autres comme le squelette axial et le pelvis sont plus difficiles à surveiller. Une radiographie des exostoses profondes se justifie tous les 2-3 ans pour surveiller celles-ci. Une fixation scintigraphique intense est hautement suspecte de malignité. Une transformation maligne doit être suspectée sur l’IRM si la coiffe cartilagineuse est supérieure à 2 cm chez un adulte. Il ne semble pas exister de groupe à risque. Le risque annuel de transformation maligne entre 30 et 50 ans étant de 0,1 %, il paraitrait logique de proposer ce dépistage systématique pour les patients porteurs d’une MEM. En raison du faible risque de transformation maligne, une résection chirurgicale prophylaxique des exostoses n’est pas recommandée dans la littérature, d’autant plus qu’un taux de complication allant jusqu’à 13 % a été décrit suite à une résection d’exostose.