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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Boucles cortico-sous-cortico-corticales, réseaux, stimulation à haute fréquence : de l’expérimentation à la cliniqueCortico-Subcortico-Cortical Loops, Networks, High Frequency Stimulation: from Experimental Studies to Clinical Practice

BIOULAC B | GARCIA L | MICHELET T | AOUIZERATE B | GUEHL D | GROSS C | BENAZZOUZ A

Séance du mercredi 30 octobre 2013 (SEANCE COMMUNE ANM/ANC : CHIRURGIE FONCTIONNELLE)

Résumé

Une meilleure compréhension de l’organisation anatomique et fonctionnelle des boucles cortico-sous-cortico-corticales a ouvert de nouvelles perspectives dans l’approche de certaines pathologies neurologiques ou psychiatriques. C’est le cas pour la boucle motrice et la maladie de Parkinson (MP) et la boucle limbique et le trouble obsessionnel compulsif (TOC). Dans le cas de la MP la réalisation d’un modèle parkinsonien chez le singe, grâce à une neurotoxine des neurones dopaminergiques, le MPTP, a montré le rôle majeur joué par le noyau sous thalamique (NST) dans le réseau des ganglions de la base (GB). Ainsi, la déplétion dopaminergique entraîne une hyperactivité anormale des neurones glutamatergiqes du NST. Celle-ci est faite de bouffées irrégulières dont la fréquence interne s’inscrit essentiellement dans la bande du rythme antikinétique b et parfois de celle du rythme q synchrone au tremblement. Ces rythmes pathologiques, surtout les oscillations b envahissent le réseau des GB et contrarient l’édification de messages moteurs cohérents. Cette réalité est concomitante à l’état d’inhibition gabaergique qui résulte de la suractivation des noyaux de sortie des GB : le pallidum interne (GPi) et la substance noire pars reticulata (SNr). La conséquence ultime est la dépression du thalamus moteur et de la voie thalamo-corticale.L’application de la stimulation cérébrale profonde (stimulation cérébrale profonde, SCP ou stimulation à haute fréquence, SHF) sur le NST modifie considérablement l’état du réseau. La SHF a des effets duals sur les neurones du NST. Elle supprime les activités pathologiques b et q et créé une néoactivité de type prokinétique g. Les oscillations g ainsi générées au niveau du NST induisent une nouvelle dynamique dans le réseau NST –GPi/SNr-thalamus-cortex (aire motrice supplémentaire, AMS et aire 4). Celles-ci en contrecarrant les rythmes antikinétiques, autorisent à nouveau l’édification de messages corticaux à compétence motrice et partant des mouvements normaux brisant le carcan de l’akinésie et de l’hypertonie.Dans le cas de la boucle limbique et du TOC, là encore les approches expérimentales chez le singe ont ouvert des perspectives physiopathologiques. En effet, l’analyse de l’activité neuronale du cortex cingulaire antérieur (CCA) au cours d’un test de type Stroop (TTS) qui favorise la survenue d’échecs dans l’exécution d’une tâche, a révélé l’existence de neurones qui « codent » pour la détection des erreurs. Mieux encore, certains de ces neurones dits « bimodaux » ont un profil d’activité qui indique qu’ils gèrent « le conflit » suscité par l’erreur et en « tirent profit » pour éviter un nouvel échec.Le cortex cingulaire fait partie de la boucle limbique. Dans le TOC, l’IRMf révèle qu’il est le siège d’une hyperactivation dans les phases de ritualisation. Par ailleurs, dans ces phases le sujet a le sentiment que son geste aboutit inexorablement à une erreur. Ceci l’amène à persévérer dans la correction mais en vain ! Dès lors, il poursuit dans son rituel pathologique. L’hypothèse est que, dans le TOC, existe un emballement anormal des assemblées neuronales qui codent pour l’erreur et la gestion des conflits et que cet emballement envahit la boucle limbique. Cette perspective nous a conduits à tenter de contrecarrer cette hyperactivité par l’application, dans les TOC graves et résistants, de la stimulation à haute fréquence sur le striatum ventral (noyau accumbens), nœud majeur de la boucle limbique. Lors de l’implantation des électrodes, l’enregistrement de neurones striataux a révélé qu’ils exprimaient une augmentation d’activité anormale dont la fréquence s’inscrit dans la bande antikinétique b. Normalement ces neurones sont silencieux, ce sont là des corrélats de l’hyperfonctionnement pathologique de la boucle limbique. Dans deux cas de TOC, particulièrement sévères, les résultats obtenus avec la stimulation à haute fréquence du striatum ventral sont très encourageants et prometteurs.Dans ces deux « pathologies de réseaux », la SHF tend à inhiber des rythmes antikinétiques b ou q et d’y substituer une activité oscillatoire de type g prokinétique et autoriser une planification de l’action proche de la normale.