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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

La pratique chirurgicale en secteur privéSurgical practice in the French private sector

BREIL P

Séance du mercredi 24 avril 2013 (LA VERITE SUR LE METIER DE CHIRURGIEN)

Résumé

La particularité du système santé de notre pays est la juxtaposition d’un secteur privé souple et actif avec un secteur hospitalier public, pléthorique, comprenant des équipes d’excellence et de recours dans les grandes villes et des hôpitaux régionaux ailleurs.Il existe une émulation entre ces deux systèmes, facteur de qualité.Dans le secteur privé, dit à but lucratif, les chirurgiens exercent en profession libérale et les considérations qui vont suivre ne concernent que ceux-là. Le secteur privé est incontournable comprenant 570 cliniques appartenant en général à des chaînes mais ce secteur dit privé à but lucratif, n’en a que le nom puisque 46 % des établissements sont en déficit, pourtant, il emploie 45 000 médecins dont un tiers de chirurgiens, toutes spécialités confondues, il assure 58 % des séjours chirurgicaux, 52 % de la chirurgie du cancer et 70 % des séjours ambulatoires. Quelles motivations permettent de pousser un chirurgien à abandonner le cocon de l’exercice public en équipe pour, a près de 40 ans, repartir à l’aventure, changer d’établissement, et se remettre en question en créant une clientèle ?Il n’y a qu’une seule explication, c’est l’esprit d’entreprise mais c’est là que le bât blesse, cet esprit n’est plus la caractéristique de nos jeunes collègues. L’exercice en établissement privé s’il permet de s’affranchir de la hiérarchie hospitalière, est beaucoup plus solitaire. Les débuts sont difficiles et même s’il avait une certaine réputation en milieu hospitalier, le chirurgien libéral repart à zéro. Il doit créer ses conditions d’exercice, choisir ses aides opératoires et si la confiance lui est acquise pour la chirurgie dite courante, il en est tout autrement s’il a l’ambition d’exercer une chirurgie plus lourde et/ou plus spécialisée. Pour cet exercice, il doit souvent demander à l’établissement d’acquérir du matériel et parfois de modifier son organisation ; il doit s’assurer d’une forte complémentarité avec l’équipe d’anesthésie-réanimation en place, il doit assurer la continuité des soins seul s’il veut créer sa clientèle et doit s’intégrer dans la permanence des soins avec d’autres praticiens parfois de générations différentes qui peuvent ne pas avoir les mêmes compétences et les mêmes objectifs. L’ensemble de ces contraintes est peu compatible avec les conditions de vie actuelle.En matière de responsabilité, le chirurgien libéral change totalement de paradigme. Il a été formé en milieu hospitalier dans un contexte de responsabilité administrative où seul l’hôpital est responsable, la responsabilité juridique personnelle étant très limitée. En revanche, en exercice libéral, le chirurgien exerce dans le cadre de la responsabilité civile professionnelle et est donc personnellement responsable de tous ses actes.Cette responsabilité impacte toutes ses décisions professionnelles et lui impose d’accorder une plus grande attention aux formalismes administratifs et aux référentiels et recommandations publiés par les agences de l’état et les Sociétés Savantes.Enfin, et surtout le chirurgien libéral est un chef d’entreprise, il prend vite conscience du fait qu’il n’a pas été préparé à ce rôle lors de sa formation. Les charges qui lui incombent sont multiples ; il est employeur, en effet, comment se passer d’un secrétariat pour remplir les différentes obligations administratives ; il est employeur d’un personnage essentiel qu’est son aide opératoire, véritable talon d’Achille du chirurgien sans lequel rien n’est possible.Dans ce domaine des charges, celles qui sont indispensables au fonctionnement de son cabinet sont multiples (loyer, matériel, informatique, etc….).Enfin, il doit effectuer des reversements à son établissement, régler son assurance professionnelle, sa prévoyance, sa retraite, sa retraite complémentaire, ses transports et élément incontournable, sa comptabilité pour laquelle l’aide d’un professionnel est incontournable.S’ajoutent à cette liste le monstre tentaculaire, des charges sociales désormais déplafonnées (URSSAF, CSG, CRDS…).En regard de ses charges, le chirurgien libéral est payé à l’acte dans un système de cotation (CCAM) très critiquable malgré une réforme en 2002 dont la valeur des actes est quasiment restée inchangée depuis plus de 30 ans (+6,5 %). Dans ce système de recettes figées et de charges en perpétuelle augmentation, si l’on veut que l’exercice apporte un bénéfice, il n’y a que deux variables d’ajustement, les suppléments d’honoraires et l’augmentation de l’activité.Les premiers ont été encouragés dans les années 80 lorsque les pouvoirs publics ont décidé de ne pas augmenter la valeur des actes, en revanche, ce n’est plus le cas aujourd’hui, où on leur reproche de limiter l’accès aux soins. L’autre variable expose à la multiplication des actes, danger permanent de cette logique et contre laquelle le chirurgien libéral doit lutter sans cesse alors que tout le pousse dans cette direction : faible valeur des actes, existence de quotas d’interventions fixés par les pouvoirs publics pour continuer à pratiquer certains actes, (autorisations de cancérologie par exemple), obtention de créneaux opératoires et enfin image du chirurgien. Il faut espérer que les recommandations en matière de pertinence des actes qui sont en préparation, tiendront compte de tous ces éléments. L’exercice de la chirurgie libérale en établissement privé est donc un parcours semé d’embûches, certes, le caractère solitaire de cet exercice à tendance à s’estomper au profit d’un regroupement en équipe mais les conditions financières de l’entreprise chirurgicale notamment avec l’explosion des charges sociales est susceptible de faire disparaître ce mode d’exercice au profit d’autres modes de rémunération en l’occurrence un salariat par les établissements privés déjà prévu par la loi HPST.