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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Une nouvelle unité médicale opérationnelle pour les armées françaises : Le Module de Chirurgie Vitale »

PONS F | BALANDRAUD P

Séance du mercredi 01 juin 2011 (SEANCE COMMUNE AVEC L'ECOLE D'APPLICATION DU SERVICE DE SANTE DES ARMEES)

Résumé

Introduction : Parmi les missions confiées aux forces militaires françaises, certaines sont effectuées de façon ponctuelle, par des unités à faible effectif, et à une distance importante des bases arrière. Ce sont pour la plupart des missions des forces spéciales, celles-ci étant mandatées pour un objectif très précis tel une action de contre-terrorisme ou une libération d’otages. Jusqu’à maintenant le dispositif de prise en charge des blessés pour ces missions comportait une relève sur les lieux du combat, puis une médicalisation par le médecin d’unité, ce dernier étant le plus souvent un médecin généraliste rompu à la médecine d’urgence. Le blessé était ensuite évacué, sachant que cette évacuation pouvait durer plus de 10 heures. Ce n’est qu’à ce moment que le blessé pouvait être opéré.Or on connaît bien la place de la chirurgie dans le traitement des blessés de guerre, et on sait que celle-ci doit intervenir le plus tôt possible après la blessure. La précocité de l’acte chirurgical conditionne le résultat fonctionnel, mais aussi vital : La notion de décès évitable est bien étudiée dans les domaines de la traumatologie tant civile que militaire. Les données épidémiologiques actuelles montrent que les décès évitables représentent entre 20 et 30% du total des décès au combat, et que leurs causes sont dans près de 80% des cas des lésions curables par un geste chirurgical. Il importe donc d’apporter un soutien chirurgical au plus près des blessés, y compris dans le cadre des missions des forces spéciales.Il existe depuis longtemps des unités chirurgicales mobiles, aérotransportables voire parachutables. Ces unités, bien que considérées comme « légères », nécessitent pour fonctionner 12 personnels, et représentent un poids total de 5 tonnes. Cette relative « lourdeur » fait qu’elles ne sont pas utilisables pour de telles missions, et c’est dans ce contexte qu’il nous a été demandé de travailler sur un nouveau type d’unité chirurgicale mobile.Genèse et développement du projet : Dans un premier temps, le cahier des charges devait être défini. Il résultait de l’équilibre entre une « offre de soins » acceptable et des « contraintes logistiques ».L’offre de soins consiste en une capacité opératoire pour au moins 1 ou 2 blessés grave, sachant que le nombre de combattants exposés n’excèdera pas plus de 20.Les contraintes logistiques, imposées par l’état-major, déterminent le poids du matériel et le nombre de personnels. Il faut en outre que l’ensemble soit parachutable sur terre ou en mer.Après cette définition du cahier des charges, le travail a été poursuivi à partir d’une « feuille blanche ».Il a été décidé que l’équipe consisterait en deux médecins (un chirurgien viscéral ou thoracique/vasculaire, et un médecin anesthésiste-réanimateur) et en deux infirmiers spécialisés (un infirmier de bloc opératoire et un infirmier anesthésiste).Concernant le lot, un premier prototype a été assemblé pendant l’été 2009. Ce lot consiste en des boites de chirurgie et en du matériel d’anesthésie et de réanimation, le tout répartis dans 8 conteneurs étanches. L’abri est fourni par une tente gonflable d’une surface de 20 m², et l’électricité est fournie par un groupe électrogène de 2.4 kW – 3 kVA.La mise en place opérationnelle du module a nécessité un certain nombre d’étapes de validation :- Validation du matériel chirurgical et anesthésique, sur réacteur biologique.- Validation du déploiement du module sous tente.- Validation de la capacité parachutable, sur terre et sur mer.- Validation du déploiement dans un bâtiment de surface.- Validation du déploiement dans un avion de transport tactique.La validation du matériel chirurgical et anesthésique a consisté en la réalisation de procédures de sauvetage : laparotomie d’hémostase, thoracotomie antérieure, abords vasculaires des racines de membres. Ces procédures ont été réalisées en situation réelle, c’est-à-dire sur des modèles animaux, par les 4 personnels, avec les équipements choisis pour armer le lot.La validation du déploiement sous tente a consisté en des exercices de jour et de nuit (fig. 1). La tente est montée en moins de 10 mn, à l’aide d’un compresseur. Sa surface est de 20 m². Entre les boudins des sangles sont tendues dans le but de suspendre les sacs contenant les matériels. La table opératoire consiste en un système « porte-brancard », sur lequel on dispose directement le brancard du blessé. Sur la table sont fixés les appuie-bras, la table pont et deux scialytiques (fig. 2). Le chirurgien dispose en plus d’une lumière additionnelle par système de lampe frontale. Le « délai opérationnel » , c’est-à-dire le temps écoulé entre le moment où les conteneurs sont mis à disposition et celui où un blessé peut être opéré, est de moins de 30 mn de jour, et de 45 mn de nuit.La validation de la capacité « aérolargage » s’est faite par largage de l’ensemble du lot sur terre, puis en mer. Les équipements et leurs conteneurs ont été préalablement conditionnés, de sorte à supporter les différents chocs liés au parachutage (sortie de l’avion, ouverture de la voile et choc à l’atterrissage/amerrissage).Dans le concept de largage en mer, les équipements et les personnels sont « récupérés » par l’intermédiaire d’une embarcation pneumatique, et rejoignent un bâtiment de surface de type frégate. S’ensuit le déploiement dans ce bâtiment, qui se fait soit dans le poste médical si ce dernier le permet, soit directement dans le hangar à hélicoptères (fig. 3).Enfin, le MCV a été testé dans un avion de transport tactique (ATT). L’ATT consiste en un C160 (Transall) ou un C130 (Hercules). Dans cette formule, le MCV est déployé directement dans l’avion, qui est amené depuis la métropole jusqu’à une base avancée située non loin du théâtre d’opérations. La soute de l’avion est transformée en salle d’opération et de déchoquage, et devient opérationnelle 10 mn après l’atterrissage de l’ATT. La soute est ouverte au niveau de la tranche arrière, l’accueil des blessés se fait à l’arrière. Le déchoquage est disposé juste en avant, enfin la table opératoire à l’extrémité avant, du côté droit de la soute (fig. 4). Le ou les blessés sont ainsi pris en charge, opérés dans la soute, et l’avion décolle peu après la fin de l’intervention, permettant un rapatriement immédiat ou une évacuation secondaire vers une structure plus classique de type antenne chirurgicale ou groupement médicochirurgical. Conclusion : Le MCV est une nouvelle unité chirurgicale mobile du service de santé des armées, et il actuellement opérationnel. Il est le fruit d’un long travail de réflexion et d’exercices de validation. Son efficience, associée à une empreinte logistique minimale, le rend employable dans un certain nombre de missions des forces spéciales.