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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Traumatismes graves fermés du foie : à la recherche de critères décisionnels pour le choix du traitement non-opératoire. A propos d'une série de 88 cas.

GAMBIEZ L | QUANDALLE P | TRIBOULET JP | TRUANT S | SAUDEMONT A | PRUVOT FR | MEAUX F | PLENIER I | LEROY C | FOURRIER F

Séance du mercredi 16 mars 2005 (pas de sujet Principal)

Résumé

Le rapport du 98° congrès français de chirurgie sur les traumatismes fermés du foie (TF) a montré en 1996 une large orientation vers un traitement non opératoire. L'hémopéritoine n'est plus une indication opératoire initiale formelle. La décision de non intervention est prise en l'absence de choc résistant à la réanimation et si une lésion intestinale a été formellement éliminée. En cas d'instabilité majeure, le concept de " laparotomie écourtée " permet d'éviter, par des moyens comme le tamponnement péri-hépatique, la triade malheureuse " hypothermie, acidose, coagulopathie " qu'induirait une intervention chirurgicale immédiate, complexe et incertaine. Les critères cliniques et biologiques guidant cette prise en charge méritent d'être examinés. Existe-t-il des paramètres chiffrés fiables de réanimation imposant l'intervention initiale ? La gravité anatomique estimée par le scanner qui objective les traits de fractures et évalue l'hémopéritoine fait-elle partie de ces paramètres ? Existe t-il des paramètres anatomiques ou hémodynamiques initiaux permettant de prédire la nécessité d'une laparotomie ou d'une laparoscopie secondaires ? La laparotomie volontairement différée peut-elle constituer une véritable stratégie en deux temps ? Méthodes L'étude d'une série continue de 88 TF anatomiquement "graves", 51 stade III, 28 stade IV et 9 stade V (âge=26,2 ans [16-75]) a recherché une corrélation entre les lésions anatomiques déterminées par scanner et les paramètres de réanimation puis entre ces données initiales et la prise en charge opératoire ou non opératoire, immédiate ou secondaire. L'hémopéritoine était jugé par TDM. L'état hémodynamique, les paramètres de réanimation <24 h ou pré-opératoires (culots, remplissage) et l'évolution >48 h ont été analysés. Résultats : 71/88 (80%) ont eu un traitement non opératoire (TNO) et 17/88 (20%) un traitement opératoire (TO). Une chirurgie secondaire était nécessaire chez 11/71 TNO. Dans le groupe TO 6/19 patients (35%) décédaient, un seul dans le groupe TNO. Le nombre de culots était respectivement 1,33 (0-10) vs 5,9 (0-22) et le remplissage 1,45 (0,5-5,5) vs 3,6L (2-12) (p<10-6 et p<4.10-3). Les patients TNO avaient moins souvent un hémopéritoine important (31%vs94%, p<10-5) et une instabilité hémodynamique (8,5%vs94%, p<10-4). Mais, il existait entre les patients TNO et TO et d'un stade de gravité à l'autre, un chevauchement des valeurs initiales de remplissage, de culots transfusés et de taux d'Hémoglobine. Aucun seuil ne pouvait être déterminé : 33% TNO avaient reçu >4 culots et >3 L de remplissage et 30% avait un hémopéritoine important. Parmi les patients du groupe TO 23,5 % étaient sous ce seuil. Conclusions Notre étude a confirmé que le traitement non opératoire des TF graves pouvait être appliqué à des lésions de grade IV et V chez des malades parfois instables à l'arrivée dont l'hémodynamique se corrigeait avec le remplissage. Environ 80% des TF graves ont pu être pris en charge sans intervention chirurgicale initiale. Les éléments chiffrés initiaux de prise en charge et la gravité tomodensitométrique des lésions ne peuvent suffire à déterminer une attitude, même s'il existe une corrélation entre les classes de gravité des lésions du foie et l'importance des mesures de réanimation entreprises dans les premières 24 heures. Un chevauchement des valeurs de remplissage et de transfusion sanguine a été constaté chez des blessés de gravité anatomique différente en tomodensitométrie, pour lesquels l'évolution a permis ou non un traitement non opératoire. La détermination initiale de valeurs seuils guidant individuellement l'indication opératoire est actuellement incertaine. La place d'une intervention secondaire pour évacuer l'hémopéritoine ou un cholépéritoine reste à déterminer