Les progrès de la prise en charge de la douleur aiguë postopératoire
Séance du mercredi 25 avril 2018 (Séance commune ANC / FDA – Le progrès de la prise en charge anesthésique et analgésique péri-opératoire)
Résumé
La douleur aiguë postopératoire est toujours insuffisamment traitée. Plus de 3 patients sur 4 va présenter des douleurs après une chirurgie, dont 80% seront modérées à extrêmes [Rathmell 2006]. En plus d’être la première cause de réadmission après parcours ambulatoire, la douleur est un déterminant majeur du vécu du patient [Maurice-Szamburski 2013]. Malgré les innovations techniques et pharmacologiques de ces 20 dernières années, les grandes enquêtes nationales à travers le monde rapportent toujours des niveaux de douleurs inacceptables [Correl 2014]. La douleur aiguë est la première cause de douleur chronique et près d’un patient sur 3 présentera des douleurs persistantes 3 mois après la chirurgie [Estebe 2009]. En plus du geste chirurgical, des prédispositions existent à l’échelle individuelles [Althaus 2012]. Ainsi les patients présentant un syndrome dépressif, une anxiété préopératoire élevée ou une vision catastrophiste seront à la douleur [Theunissen 2012].Si intervenir sur ces facteurs dans le cadre d’une prise en charge pré-opératoire semble difficile d’accès, différentes stratégies ont été mise en œuvre afin de diminuer l’impact de la douleur sur le patient. Le concept de pré-emptive analgesia a pour objectif de diminuer la sensibilisation centrale en délivrant les antalgiques avant la survenue du stimulus nociceptif chirurgical avec pour objectif d’obtenir une rémanence de leurs effets au-delà de leur durée d’action. Toutefois les phénomènes de sensibilisation sont multifactoriels et un haut niveau de preuve difficile à obtenir dans ce contexte [Wall 1988]. L’analgésie multimodale reprend l’objectif de diminuer les douleurs de façon pérenne sans toutefois contraindre la chronologie d’administration de médicaments qui la compose à la phase préopératoire. Certains des éléments qui la compose méritent d’être évoqués plus particulièrement. Les anti-inflammatoire non stéroïdiens font partie des médicaments les plus efficaces en termes d’analgésie chirurgicale et l’intérêt des anti-COX 2 a récemment été soulignée par plusieurs études de haut niveau [Nissen 2016]. Les opioïdes sont peu efficace et sont responsables de 60% des complications postopératoires après chirurgie prothétique de hanche ou de genou [Halawi 2015]. Ils posent à l’heure actuelle un problème majeur de santé publique aux États-Unis et leur consommation en France est en train d’exploser [OMS 2015]. Leur prescription va à l’encontre des principes de la réhabilitation améliorée [Kehlet 2015]. La kétamine est un inhibiteur non compétitif des récepteurs NMDA, impliqués dans la douleur aiguë et dans les phénomènes de chronicisation douloureuse [Wilder 2006]. Son utilisation n’est pas associée à une augmentation du delirium [Avidan 2017] et ses indications sont de plus en plus nombreuses [Jonkman 2017]. Les corticoïdes comme la dexaméthasone ont démontré une efficacité sur la douleur aiguë postopératoire [Waldron 2012], en plus d’être d’excellents anti-émétiques. Toutefois, leur impact sur la chronicisation douloureuse doit encore être démontré [Nielsen 2015]. La lidocaïne intraveineuse présente un intérêt majeur en chirurgie abdominale et le niveau de preuve ne cesse de croitre [Vigneau 2011]. L’infiltration périarticulaire est à la mode en chirurgie orthopédique majeure. Malheureusement son efficacité est modeste et limitée aux 10 premières heures postopératoires [Sogbein 2017]. L’analgésie locorégionale représente la meilleure technique antalgique, toute chirurgie confondue [Richmann 2006, Andrea 2012, Liu 2012]. Elle est à la base du concept même de réhabilitation améliorée [Kehlet 1995]. Bien mise en œuvre, elle n’est pas responsable d’une augmentation du risque de chute en chirurgie orthopédique [Memtsoudis 2014].