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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Cancer du pancréas place des traitements locaux (radiofréquence, électroporation…)

DELPERO JR

Séance du mercredi 29 mars 2017 (INNOVATIONS EN CHIRURGIE PANCRÉATIQUE: LES PROGRÈS, C’EST MAINTENANT !)

Résumé

Le pronostic des adénocarcinomes pancréatiques (ADKP) reste très sombre. Quarante pour cent sont localement avancés (LA) - non métastatiques au diagnostic. Le traitement habituel est la chimiothérapie, optimale si le statut clinique le permet (FOLFIRINOX) [1], suivie le plus souvent, en l’absence de progression métastatique, par une irradiation, malgré les résultats décevants de l’essai multicentrique LAP07 [2]. En effet, dans cet essai, la radio-chimiothérapie de clôture ne permet pas d’augmenter la survie globale des patients avec un cancer LA, mais elle est associée à une augmentation non significative de la survie sans progression, moins de récidive locorégionale et une durée sans traitement significativement plus longue [2]. Le taux des résections secondaires après traitement d’induction n’excède pas 30% [3, 4] et varient considérablement selon les critères de résécabilité ; pour les ADKP LA ils sont inférieurs à ceux rapportés pour les cancers « borderline » pour lesquels, là encore, la définition est variable ; trois revues systématiques ont été consacrées récemment à ce sujet et les résultats concernant la survie manquent encore de « maturité » [4-7]. On attend l’actualisation de la cohorte Française dans l’année courante [8]. L’étude de phase II PANDAS qui va évaluer chez les patients porteurs d’un adénocarcinome borderline 6 cycles de FOLFIRINOX en induction +/- une radio-chimiothérapie est ouverte aux inclusions (NCT02676349).Les techniques « ablatives » sont réservées aux ADKP LA. Elles sont en concurrence avec l’irradiation dont les modalités progressent [9, 10]. L’irradiation stéréotaxique, réalisée après mise en place ou non de fiduciels par voie percutanée ou endoscopique, est bien tolérée, antalgique, elle améliore la qualité de vie, quelques résections « secondaires » anecdotiques ont été rapportées et la survie médiane était de 24 mois (16 études publiées) [11]. Rombouts et col. ont publié dans le British Journal of Surgery une revue systématique consacrée aux traitements par « destruction locale » des ADKP LA [11] ; 38 études ont été retenues (1164 malades) à partir de 1037 titres et abstracts (PubMed, Embase et Cochrane Library) puis à partir de 81 articles ! La morbi-mortalité, la survie, l’évolution du syndrome douloureux et la qualité de vie ont été étudiés : a) la thermoablation par radiofréquence (RF) était la méthode la plus utilisée (7 études) ; 342 malades ont été traités par RF, dont près du tiers par le groupe de Vérone [12]. La mortalité était de 3% et le taux des complications post-opératoires (essentiellement hémorragiques) de 15% (extrêmes: 0–11% et 4–22% respectivement) ; la thermo-ablation sous contrôle écho-endoscopique pourrait être une voie de recherche clinique ; b) l’électroporation irréversible (IRE) avait des taux de morbi-mortalité comparables (141 malades ; extrêmes: 0–4% et 9–15% respectivement) ; elle délivre moins de chaleur que la RF et serait plus adaptée aux engainements artériels [13]. Une étude récente rapporte des médianes de survie de 25 mois chez 200 malades traités par IRE après une médiane de 6 mois de chimiothérapie (±RT) [14]. Les autres techniques (ultrasons de haute intensité, appliqués par voie percutanée (HIFU) et la cryothérapie ont été peu utilisées. Le choix de la technique dépend avant tout du centre de traitement. La RF et l’électroporation étaient réalisées par voie chirurgicale chez la majorité des malades. L’amélioration du syndrome douloureux était significative dans les études consacrées à la RF, l’électroporation et les ultrasons de haute intensité, mais il n’y avait pas de données concernant la qualité de vie. Les études concernant l’électroporation rapportaient 30% de résections « secondaires ». Les survies médianes observées après RF, électroporation et HIFU étaient respectivement de 25.6, 20.2 et 12.6 mois. Il n’y a aucune étude randomisée disponible comparant ces techniques à un traitement « standard » (chimiothérapie ou chimiothérapie suivie de radio-chimiothérapie). Les techniques de destruction locale sont faisables ; elles ont une morbidité acceptable, mais l’impact sur la survie reste à démontrer. Les médianes de survie observées pour des ADKP LA témoignent sans doute de la sélection des indications ; d’ailleurs, la majorité des études regroupaient des stades II et III (AJCC) et les critères de « non résécabilité », en particulier l’extension vasculaire, n’étaient pas précisés. Les études concernant l’électroporation rapportaient un taux très élevé de résections « secondaires » (30%), ce qui laisse penser que la technique a été utilisée comme traitement d’induction pour des tumeurs « borderline » plus que pour des tumeurs « localement avancées » [14].Deux points méritent d’être soulignés : a) la destruction locale doit suivre une chimiothérapie d’induction en raison du « drop-out » lié à une progression métastatique précoce lorsqu’elle a été réalisée d’emblée [12] ; b) lorsque la destruction tumorale est incomplète (essentiellement en raison du soucis de protéger les structures voisines), le résidu tumoral « périphérique », partiellement altéré, stimulerait la réponse immunitaire et la libération de gènes anti-tumoraux (comme cela a pu être observé dans les cancers du rein ou des métastases périphériques régressent spontanément après thermo-ablation de la tumeur primitive) [13, 15, 16]. Une étude de faisabilité concernant la destruction par Laser est en cours dans notre centre (étude bicentrique Vérone-IPC). En conclusion, les techniques « ablatives innovantes » doivent être validées par des études prospectives contrôlées car on ne dispose pas aujourd’hui de données suffisantes sur le bénéfice à long terme [17]. Si une étude randomisée voyait le jour, on peut considérer que dans le bras de l’étude comportant le traitement par destruction locale, une chimiothérapie « première » devrait être envisagée quelle que soit la technique ablative choisie. Bibliographie1. Conroy T, Desseigne F, Ychou M, et al. FOLFIRINOX versus gemcitabine for metastatic pancreatic cancer. N Engl J Med 2011, 364 : 1817–25.2. Hammel P, Huguet F, van Laethem JL Effect of Chemoradiotherapy vs Chemotherapy on Survival in Patients With Locally Advanced Pancreatic Cancer Controlled After 4 Months of Gemcitabine With or Without Erlotinib. The LAP07 Randomized Clinical Trial JAMA. 2016, 315 : 1844-533. Delpero JR. Est-il intéressent de rendre résécable un adénocarcinome du pancréas (ADKP) localement avancé par une chimiothérapie (CT) première suivie ou non de radio-chimiothérapie (RCT) concomitante ?http://lecancer.fr/actus-scientifiques/pancreas/editorial/4. Sadot E, Doussot A, O’Reilly EM et al. FOLFIRINOX induction therapy for stage 3 pancreatic adenocarcinoma. Ann Surg Oncol. 2015, 22 : 3512–21.5. Petrelli F, Coinu A, Borgonovo K, Cabiddu M, Ghilardi M, Lonati V, et al. FOLFIRINOX-based neoadjuvant therapy in borderline resectable or unresectable pancreatic cancer: a metaanalytical review of published studies. 2015;44(4): 515–216. Suker M, Beumer BR, Sadot E et al. FOLFIRINOX for locally advanced pancreatic cancer: a systematic review and patient-level meta-analysis. Lancet Oncol. 2016, 17 : 801-10.7. Rombouts SJ. et al. Systematic Review of Resection Rates and Clinical Outcomes After FOLFIRINOX-Based Treatment in Patients with Locally Advanced Pancreatic Cancer. Ann Surg Oncol. 2016, 23 : 4352-43608. Marthey L, Sa-Cunha A, Blanc JF et al. FOLFIRINOX for locally advanced pancreatic adenocarcinoma : results of an AGEO multicenter prospective observational cohort. Ann Surg Oncol. 2015, 22 : 295–3019. Mellon EA. et al. Radiothérapie stéréotaxique du pancréas : Une technique sûre et bien tolérée. J Gastrointest Oncol. 2016, 7 : 547-5510. Scott JG. et al. A genome-based model for adjusting radiotherapy dose (GARD): a retrospective, cohort-based study. Lancet Oncol. 2016 Dec 1811. Rombouts JE, Vogel JA, van Santvoort H. C. et al. Systematic review of innovative ablative therapies for the treatment of locally advanced pancreatic cancer. Brit J Surg 2015, 102: 182–19312. Girelli R, Frigerio I, Giardino A, Regi P, Gobbo S, Malleo G et al. Results of 100 pancreatic radiofrequency ablations in the context of a multimodal strategy for stage III ductal adenocarcinoma. Langenbecks Arch Surg 2013; 398: 63–69.13. Paiella S, Salvia R, Ramera M et al. Local Ablative Strategies for Ductal Pancreatic Cancer (Radiofrequency Ablation, Irreversible Electroporation): A Review. Gastroenterol Res Pract. 2016;2016:4508376. doi: 10.1155/2016/450837614. Martin RC, Kwon D, Chalikonda S et al. Treatment of 200 locally advanced (stage III) pancreatic adenocarcinoma patients with irreversible electroporation : safety and efficacy. Ann Surg. 2015, 262, 486–494.15. Cantore M, Girelli R, Mambrini A, Frigerio I, Boz G, Salvia R et al. Combined modality treatment for patients with locally advanced pancreatic adenocarcinoma. Br J Surg 2012; 99: 1083–1088.16. Chu KF, Dupuy DE. Thermal ablation of tumours: biological mechanisms and advances in therapy. Nature Reviews Cancer, 2014. 14 : 199–208. 17. McCulloch P, Altman DG, Campbell WB et al. No surgical innovation without evaluation : the IDEAL recommendations. The Lancet, 2009, 374, 1105–1112,