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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Comment modifier la chirurgie après une bonne réponse aux traitements néoadjuvants ?

RULLIER E

Séance du mercredi 10 décembre 2014 (CANCER DU RECTUM : LES NOUVELLES STRATÉGIES)

Résumé

La médecine factuelle en 2014 montre que les traitements néoadjuvants, en particuliers la radiochimiothérapie, sont utiles dans le traitement des cancers du rectum car ils diminuent de moitié le taux de récidive pelvienne après exérèse rectale. Aucune preuve n’existe sur la possibilité de modifier le type de chirurgie. Des travaux récents montrent cependant la possibilité de changer radicalement le type d’opération en tenant compte de la réponse au traitement. On peut ainsi proposer une conservation sphinctérienne au lieu d’une amputation, ou bien envisager une simple tumorectomie au lieu de l’exérèse rectale. Ces progrès sont dus aux nouveaux concepts de management de la réponse tumorale qui est désormais posible grâce à l’amélioration de l’imagerie, en particulier l’imagerie par résonance magnétique. Une étude bordelaise incluant 50 patients porteurs d’un cancer du bas rectum à moins de 1 cm du sphincter anal, a montré que la marge de résection chirurgicale à l’IRM après radiochimiothérapie était plus souvent libre (> 1 mm) des releveurs (86% vs 26%), des sphincters interne et externe (74% vs 34%) et augmentait de 8 mm pour la marge distale. Cette bonne réponse au traitement observée chez 86% des patients (43/50) était associée à une modification de la stratégie opératoire dans 90% des cas (45/50), ce qui avait permis 90% de conservation sphinctérienne avec 6% de récidive locale et une survie à 5 ans de 82%. Ces résultats issus d’une équipe spécialisée dans le traitement des cancers du rectum nécessitent d’être confirmés en multicentrique afin de montrer leur reproductibilité, laquelle dépend désormais principalement de la qualité de l’imagerie et de l’objectif attendu du traitement néoadjuvant, à savoir dans ce cas obtenir une marge radiologique libre par rapport à l’appareil sphinctérien. La deuxième opportunité du traitement néoadjuvant est d’aller plus loin en évitant la chirurgie d’exérèse rectale. Un essai français multicentrique randomisé GRECCAR 2 a comparé la tumorectomie à l’exérèse rectale chez les patients bons répondeurs après radiochimiothérapie pour T2T3 du bas rectum. Seuls les résultats préliminaires ont été rapportés. Ils sont très encourageants car ils montrent qu’en irradiant des petites tumeurs T2T3< 4 cm on obtient 75% de réponse clinique (résidu < 2 cm), lequel est associé à 61% de bonne réponse pathologique (ypT0-1), lequel est associé à l’absence de métastase dans le mésorectum (100% ypN0). Cet essai vient donc de définir la stratégie en 3 étapes qui permet d’obtenir 46% (0.75 x 0.61 x 1) de préservation d’organe en toute sécurité oncologique. Les résultats définitifs à paraitre en 2015 viendront confirmer l’efficacité de la stratégie qui changera complètement l’horizon du traitement des cancers du rectum. En conclusion, c’est l’apport de l’imagerie moderne dans un contexte de recherche d’une meilleure qualité de vie sans compromettre la survie qui bouleversent avec des preuves à l’appui les concepts thérapeutiques des cancers du rectum, avec la possibilité de modifier la chirurgie après une bonne réponse aux traitements néoadjuvants.Commentateur : Henri JUDET