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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Introduction

BAULIEUX J

Séance du mercredi 24 avril 2013 (LA VERITE SUR LE METIER DE CHIRURGIEN)

Résumé

La chirurgie française a récemment fait la une de l’actualité. Un malaise évident s’est installé chez les internes et chez les praticiens en activité. Il est apparu nécessaire d’établir un point objectif sur l’état actuel de notre profession, sous toutes ses facettes : pendant la période de formation, pendant la période d’activité en secteur public ou en secteur privé, et lors de la retraite.L’Académie Nationale de Chirurgie a le devoir d’éclairer le public sur notre profession et de rétablir une vision objective. Un groupe de travail a été constitué à cet effet. La séance du 24 avril 2013 sera consacrée à ces problèmes.Les études de médecine sont longues et contraignantes : 7 ans (souvent 8). L’Internat dure 5 ans. La période de post Internat dure 2 ans.Au total, 12 à 15 ans d’années d’études post-baccalauréat sont donc indispensables pour exercer la chirurgie, en pleine responsabilité, seul et autonome.Les principales causes d’anxiété des Internes concernent ce qu’ils estiment être une mauvaise définition du rôle actuel de l’Interne dans les services souvent hyperspécialisés des CHU. La fonction de l’interne en chirurgie s’est dégradée, par rapport à ce qu’elle était il y a encore quelques années. La période de post Internat de 2 ans est jugée trop courte. Ils présentent tous un grand sentiment d’inquiétude, vis-à-vis de leur profession future et de ses aléas.Le métier de chirurgien reste passionnant, attirant et envié même si à l’heure actuelle, il n’a plus tout à fait l’aura du passé.Le chirurgien reçoit le patient et l’oriente vers un traitement. Il doit maitriser les indications et connaitre les alternatives thérapeutiques. Il doit maitriser les techniques et être capable de prendre en charge les complications de ses gestes.Cette discipline hyper-technique exige une immense minutie, une habileté manuelle, un sang-froid et une résistance physique et nerveuse hors du commun.Le métier a beaucoup évolué en quelques années : le chirurgien doit s’adapter aux nouvelles techniques qui transforment chaque jour, les blocs opératoires. L'imagerie, l'endoscopie, les robots y prennent une place de plus en plus importante.On assiste actuellement à l’explosion des méthodes dites interventionnelles susceptibles de remplacer la chirurgie ouverte traditionnelle. Il est probable que la chirurgie de demain ne ressemblera plus guère à la chirurgie d'aujourd'hui.Les progrès scientifiques récents devront être pris en compte dans les choix thérapeutiques. La cancérologie chirurgicale doit inclure les progrès de la biologie moléculaire, des biomarqueurs, de l’angiogenèse, de la génomique, et des modifications épigénétiques.La médecine régénérative, l'ingénierie tissulaire et les thérapies cellulaires vont transformer l'approche de la plupart des pathologies, y compris celles qui sont actuellement traitées chirurgicalementLa féminisation de la profession est en constante augmentation.La chirurgie est un métier où il y a beaucoup de contraintes : responsabilité en première ligne, disponibilité constante (horaires, gardes) stress.La judiciarisation est en progression régulière.La vérité sur les émoluments doit être faite : ils sont certes variables en fonction des spécialités, mais souvent moins mirobolants qu’on le lit trop souvent.La pratique en secteur public est attractive pour beaucoup, car elle apparait moins risquée, facilite le travail en équipe, expose moins aux soucis financiers… Actuellement la grande majorité des jeunes opte pour une carrière en CHU, ou dans les Hôpitaux publics. Ils en espèrent une relative tranquillité de l’esprit et la sécurité de l’emploi…Mais il faut constater et dénoncer le manque de postes en CHU, le faible pouvoir décisionnel des médecins dans le cadre de la loi HPST, la dépendance vis-à-vis de l’environnement dont souvent les horaires de travail ne sont pas compatibles avec l’activité chirurgicale, la dégradation des conditions de travail à l’Hôpital public et la relative faiblesse des gains (en comparaison, le revenu horaire est nettement inférieur à celui d’autres professions du secteur public).Le secteur privé occupe une place importante en France : 65 % des actes chirurgicaux y sont réalisés.Il faut constater et dénoncer le relatif isolement des praticiens privés, impliquant souvent une responsabilité solitaire ; la dépendance grandissante par rapport aux grands groupes privés, propriétaires des cliniques privées. Les contraintes financières (rémunération des aides opératoires et des secrétaires, charges importantes, coût élevé des primes d’assurances en responsabilité civile).La vérité concernant les dépassements d’honoraires (DP), sur lesquels se focalisent beaucoup de critiques, s’impose :Le DP est devenu nécessaire, en raison d’une absence de réévaluation normale de la nomenclature depuis une trentaine d’années. Cette solution a permis de sauvegarder les gains des praticiens du Secteur II.Les excès, qui ont été stigmatisés, ne représentent en fait que 1 à 2 % des DP, soit 280 médecins et chirurgiens, qui ne respecteraient pas le tact et la mesure.La vérité est de constater que quel que soit le département et la spécialité, il y a toujours une offre de soin en secteur I, au tarif opposable.Il faut insister sur le fait que le DP n’est pas pris en charge par la Sécurité Sociale, mais par les Caisses complémentaires… et que le remboursement du DP ne représente qu’une faible part par rapport au budget des Caisses complémentaires et à leurs frais de gestion.Le dispositif de régulation des DP, proposé récemment (avenant 8) inquiète fortement les chirurgiens libéraux du secteur II. Il ne permettra plus de couvrir les charges, et à terme, fera planer une menace préoccupante sur la pratique de la chirurgie en secteur privé…L’âge habituel de la retraite se situe entre 65 et 68 ans, et comme la carrière est courte (de 33 à 65 ans) la période de cotisations est relativement faible.La retraite des PU-PH ne prend pas en considération les indemnités reçues au titre de la fonction hospitalière. Seul le salaire universitaire est pris en compte pour la retraite…Pour les praticiens du secteur privé, il existe une grande incertitude vis-à-vis de la retraite CARMF, dont le régime ASV s’épuise. Il est peu probable qu’elle se maintienne au niveau actuel.Malgré toutes ces considérations, le métier de chirurgien demeure à l’heure actuelle extrêmement attractif, et il ne faut pas décourager les vocations.Il faut cependant rétablir la vérité, pour que les informations apportées au grand public et aux jeunes étudiants en période de choix, soient les plus objectives possibles