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Les e-mémoires de l'Académie Nationale de Chirurgie

Chirurgie des courbures de verge congénitales de l’adulte

CHEVALLIER D

Séance du mercredi 19 octobre 2011 (LA CHIRURGIE MORPHOLOGIQUE DU PENIS : REALITES ET CONTROVERSES)

Résumé

I. INTRODUCTION? Déviation de la verge en érection, isolée ou associée à d’autres malformations péniennes, son éthiopathologie reste indéterminée.? Une classification est proposée : 1. Courbure avec anomalies du corps spongieux et /ou de l'urètre (principalement hypospadias, mais également brièveté de l’urètre). Ce groupe inclut également la chordee : atrophie fibreuse du corps spongieux.2. Courbure par anomalie des enveloppes superficielles (peau et dartos) (anomalie visible de la peau, anomalie du fourreau avec souvent une hypoplasie du prépuce)3. Courbure par anomalies des corps caverneux et/ou des enveloppes profondes (fascia de Buck), éventuellement associée à un épispadias? Une des difficultés pour les études épidémiologiques est que ce type d'anomalie est plus facilement repéré du fait de l'évolution de notre société et de la possibilité actuellement de mesurer ces lésions et de les traiter. Le rôle de l’appareil de photo numérique et du téléphone portable permettant de faire des photos a été souligné. Ils permettent aux adolescents de montrer plus facilement qu’auparavant leur problème de courbure de verge. Les courbures congénitales chez l’adolescent ou l’adulte jeunes sont vues plus précocement qu’auparavant. Les chirurgiens ont également insisté sur le rôle de la société et l’insuffisance d’éducation sexuelle en France. En pédiatrie, les chirurgies voient environ 95 % de type 1, 4 % de type 2 et 1 % de type 3, alors que les chirurgiens d’adultes voient principalement des types 3. Les chirurgiens d’adultes traitent les courbures congénitales chez les adolescents et les adultes jeunes (quelques cas de courbures acquises, généralement traumatiques, à cet âge) et principalement des courbures acquises (Lapeyronie). La courbure congénitale représenterait environ 5 % des courbures traitées par les chirurgiens adultes.? Le problème de la chirurgie de la courbure de verge concerne donc :- Chez l’enfant :o les enfants traités pour anomalies des enveloppes (environ 4 % du recrutement)o les enfants présentant un hypospadias associé à une courbure et chez qui la courbure est traitée dans un premier temps chirurgical. En cas d'atteinte des corps caverneux, les membres du groupe de travail ont suggéré d'attendre l'adolescence pour réaliser la correction. Il n'est pas souhaitable d'intervenir sur les corps caverneux chez l'enfant.- Chez l’adulte :o Les courbures congénitales traitées à l’adolescence ou à l’âge adulte, en général non associés à un hypospadiaso ou les courbures résiduelles (notamment à la suite d’un traitement d’hypospadias)Le problème vient de l’absence de code CCAM adapté pour le geste sur courbure congénitale en dehors du traitement d’un hypospadias. Le travail proposé ce jour à l’Académie de Chirurgie sera essentiellement centré sur les courbures congénitales de l’adulte.II. TECHNIQUES CHIRURGICALESII.1. Indications : l’indication chirurgicale dépend de l’angle de la courbure et du retentissement psychologique et sexuel. Les photos ont apporté des éléments plus objectifs pour apprécier rapidement le degré de la courbure. Le seuil de 30° est classiquement admis, mais l'attitude dépend aussi de l’orientation de la courbure, les courbures postérieures étant mieux tolérées que les ventrales. Un seuil à 20 ° parait un bon garde-fou. En cas de demande pour des courbures inférieures à 20°, il apparaît indispensable de mener une évaluation psychologique pour éviter une intervention qui ne serait pas utile, ou efficace pour régler le problème qui ne se limiterait pas à la seule courbure. Les indications dépendent des mécanismes de la courbure et le groupe considère qu’il vaut mieux attendre la fin de la puberté pour traiter les courbures isolées, si la verge a un aspect normal en dehors de la courbure, la puberté modifie la courbure. Une exception peut être faite pour les anomalies des enveloppes superficielles, qui sont d’ailleurs souvent associées à des anomalies du prépuce.II.2. Techniques : les techniques découlent des mécanismes de la courbure :- Redressement isolé, sans uréthroplastie d’une courbure de verge associée à un hypospadias postérieur : premier temps d’une correction d’hypospadias postérieur en 2 temps chirurgicaux- Excision d’une chordee- Redressement d’une courbure de verge isolée en rapport avec une anomalie des tissus superficiels par o Décollement du fourreauo Et lambeaux vascularisés prépuciaux de recouvrement (sur la face antérieure de la verge)- Redressement de courbure par anomalie des corps caverneux par des techniques de type Nesbit ou ses dérivés ou de plicatures, avec ou sans dissection des bandelettes et ou de la gouttière urétraleLes deux premiers gestes étant plus généralement réalisés chez l’enfant et le troisième plus souvent chez l’adolescent ou l’adulte jeune. Le geste est plus complexe lorsque la courbure est associée à un hypospadias. Les chirurgiens distinguent également des niveaux de complexités des gestes selon que l’intervention porte sur la concavité ou sur la convexité :- Sur la convexité : techniques de Nesbit ou dérivés et de plicature, mais ces gestes ne permettent pas toujours de récupérer des courbures de plus de 30 ° ;- Sur la concavité : gestes plus complexes : libération du fourreau ou d’une chordee, gestes de dissection des bandelettes ou du corps spongieux, incision redressement éventuellement associés à une greffe.Les greffes sont très rares et utilisées dans des malformations plus complexes que la courbure isolée.III. EFFICACITE : l’efficacité est généralement contrôlée en fin d’intervention par une érection provoquée, mais ce contrôle est moins systématique en pédiatrie car il risque de provoquer des hématomes et en général si la correction n’est pas complète on ne va pas plus loin et on attend l’adolescence. Le taux de rechute est variable dans les données de la littérature, mais les lésions traitées et les interventions analysées sont également réparties de manière très variable.IV. SECURITE : Le raccourcissement de la verge n’est pas considéré par le groupe comme une complication, mais comme un effet « obligatoire » dans les gestes sur la convexité. Les paresthésies sont rares dans les courbures congénitales. Les nodules sont fréquents et gênants dans les plicatures, en raison de l’utilisation de fils non résorbables. En pédiatrie, la technique de Nesbit est réalisée avec des fils résorbables pour éviter les nodules. Chez l’adulte, des fils non résorbables sont pratiquement toujours utilisés pour minimiser le risque de lâchage de suture.V. LES CONDITIONS D’EXECUTIONV.1. Le bilan pré-opératoire : Il est nécessaire d’objectiver la courbure par des photographies prises au moment de l'érection, avant de décider une intervention. En revanche, il n’y a généralement pas d’autre exploration complémentaire, en dehors d’un bilan médico-psychologique s’il semble nécessaire. Un ECBU est effectué dans les 8 jours précédant l'intervention.V.2. Anesthésie : L’anesthésie générale est préférentiellement utilisée, l'immobilité du patient étant indispensable, sauf s'il existe une contre-indication à ce type d’anesthésie.V.3. Abord : Il y a généralement une posthectomie de nécessité, lorsque le prépuce sert pour faire un lambeau de recouvrement antérieur. En dehors de cette situation, l'incision est circonférentielle avec ou sans posthectomie. V.4. Antibioprophylaxie et autres traitements d’accompagnement : Selon le groupe, l’antibioprophylaxie n’est pas recommandée de manière systématique. Mais 90 % des pédiatres semblent en prescrire une, surtout s’ils mettent en place une sonde. Une sonde est presque systématiquement mise en place pour les premières 24 heures. Il ne s'est pas dégagé de consensus sur l'utilisation de médicaments antiérectiles pour éviter les érections en post opératoires, du fait de l'efficacité inconstante de ces derniers et de la nécessité de les administrer plusieurs semaines voire plusieurs mois avant l'intervention.La douleur provoquée par l'érection permet en général de stopper l'érection. Il faut surtout avertir les patients que des érections pourront avoir lieu et qu’elles seront douloureusesV.5. Durée de l’intervention : La durée d’intervention est estimée à environ 1heure à 1heure 30 pour les interventions simples (geste sur la convexité, décollement du fourreau simple). La durée opératoire augmente en cas de réalisation de lambeau prépucial et peut atteindre 3 heures pour les situations les plus complexes. En pédiatrie, le premier temps de traitement chirurgical d’un hypospadias, correspondant au traitement de la courbure, dure en moyenne 2 heures à 2 heures 30.V.6. Durée d’hospitalisation : Les interventions simples se font parfois en ambulatoire chez l’enfant, qui peut facilement repartir avec une sonde urinaire, il existe des couches spéciales permettant le sondage. Sinon la durée d’hospitalisation est généralement de 3 jours, un peu plus longue pour les courbures associées à un hypospadias.V.7. Modalités de suivi post opératoires : Les suites opératoires sont généralement simples. Les consultations de suivi se font généralement à 1 semaine et à 1 mois. Les enfants, doivent être suivis jusqu’à la puberté. Il peut ensuite être nécessaire d'organiser un relai de prise en charge par un urologue adulte.V.8. Information des patients : Il faut informer les patients avant des risques de ce type de chirurgie et en post-op des précautions à prendre. Il faut informer du risque de douleur au moment des érections. La reprise de l’activité sexuelle ne doit pas avoir lieu avant l’avis du chirurgien, elle n'est généralement pas autorisée avant 6 semaines.VI. FORMATION DES PRATICIENS : Il s’agit d’une chirurgie très spécifique et généralement réalisées par des chirurgiens qui se spécialisent dans la chirurgie du pénis. En pratique, cette chirurgie se fait dans des centres d’expertise en chirurgie pénienne. Il faut au moins 10 ans pour avoir une expertise en chirurgie du pénis, mais il faut laisser la responsabilité aux chirurgiens. Cette chirurgie est très à risque et personne ne s’y lance à la légère. Un diplôme inter-universitaire de chirurgie pénienne existe depuis 2008 et forme 10 chirurgiens tous les 2 ans.VII. IMPACT EN TERMES DE SANTE PUBLIQUE : L’impact de la courbure de verge sur la sexualité, et donc sur la qualité de vie, est majeur. Il faut insisté sur la satisfaction des jeunes hommes traités avec succès et sur le risque de suicide en cas d’échec. Nous insistons sur l’importance de proposer des libellés de CCAM qui puissent mieux refléter les interventions réalisées, tout en restant ouverts et évolutifs.