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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Féminisation de la Profession

Marie-Paule VAZQUEZ

Seance of wednesday 02 october 2019 (Séance commune avec la Fondation de l'Avenir "Chirurgie : vers la féminisation de la profession")

DOI number : 10.26299/qhbn-d045/emem.2019.27.01

Abstract

L’histoire des femmes chirurgiens est indissociable de deux combats : celui des femmes médecins, et à ce sujet les manuels de l’inquisition précisaient: « toute personne du sexe féminin qui se mêle de traiter les malades est réputée sorcière » mais aussi le combat des chirurgiens eux-mêmes qui s’est déroulé au Moyen-âge entre les médecins lettrés dépendant de l’Université et les chirurgiens considérés comme manuels. Il y avait ainsi deux obstacles à l’émergence des « chirurgiennes ».
L'histoire des femmes en chirurgie remonte à 3500 ans avant JC. Les textes de l'histoire ancienne nous renseignent sur le rôle actif de femmes chirurgiennes dans des pays comme l'Égypte, l'Italie et la Grèce. Viens ensuite la période hippocratique. Les femmes n’ont pas accès à l’école. Une loi des athéniens interdit la pratique de la médecine aux esclaves et aux femmes. Mais à l’époque la diffusion du savoir se fait de maître à disciple, or ce savoir les femmes en bénéficient. Elles restent les maîtres de l’obstétrique et se transmettent leur science entre elles et en font profiter les traités médicaux masculins. Les femmes médecins ou chirurgiens étaient en fait des « intermédiaires ». La période romaine correspond à une première libération féminine. Une partie des connaissances chirurgicales est importée de Grèce. La chirurgie est principalement utilisée pour les besoins de l'armée ainsi que les jeux du cirque tel que les combats de gladiateurs. De nouvelles techniques sont mises au point, c'est ainsi qu'à Rome sont réalisées les premières césariennes. Galien, personnage clé de la chirurgie romaine, fait une petite place aux femmes médecins dans ses publications en se référant à leurs remèdes contre les ulcérations et suppurations profondes. A cette époque les écrits d’Aspasie expliquent la version du fœtus et les soins consécutifs à l’accouchement. Une autre femme médecin Metrodora, qu’on peut qualifier de gynécologue, écrit un ouvrage traitant de toutes les maladies de l’utérus. A cette époque les femmes médecins ne sont nullement pourchassées au nom de la religion.
C’est le moyen-âge qui allait condamner les femmes qui osaient se mêler de médecine ou de chirurgie. La médecine est exercée par le Clergé alors que la chirurgie est plus le fait des artisans. Le concile de mâcon en l’an 581 posait la question de savoir si la femme doit être rangée parmi les êtres raisonnables et si elle fait vraiment partie de l’humanité. La femme est exclue de par la loi de la médecine et de la chirurgie. La chirurgie était interdite aux femmes, à moins qu'elles ne reprennent la pratique de leur mari décédé ou qu'un jury «compétent» ne les juge aptes.
Les obstacles pour les femmes chirurgiens continuent du XIIIème siècle (1ère école chirurgicale de Montpellier en 1220) au XIXème siècle. La médecine monastique cède le pas aux universités MAIS les femmes sont exclues des universités, sauf en Italie (Salerne, Bologne), et ce jusqu’au XIXème siècle.
Le 19ème siècle sera bien celui de la conquête. Les femmes persistent, quitte à se mettre en danger comme signer d’un faux nom les mémoires qu’elles présentent, se déguiser en hommes pour pratiquer, ou s’illustrer sur les champs de bataille qui leur donnent des occasions de pratiquer... Elles devront gagner très progressivement le droit à l’externat, puis à l’internat puis au XXème siècle au clinicat. Certains de nos collègues ont lutté courageusement avec elles, d’autres ont lutté activement contre elles de manière violente et sexiste. Elles ont rencontré maints obstacles pour obtenir leurs droits à cette formation et à exercer. Vu la féminisation actuelle acquise il reste un point d’interrogation sur ce qu’est l’égalité des femmes chirurgiens devant les postes universitaires, les postes de responsabilité et bien sûr l’entrée à l’Académie Nationale de Chirurgie
Je suis entrée à l’Académie de Chirurgie en 2007, parrainée par l’un de mes maîtres Jean-Louis Ribardière. A cette date il y avait 7 femmes membres de l’Académie sur environ 350 membres. A ce jour, l’annuaire de l’Académie recense 528 membres, 24 sont des femmes, 504 sont des hommes. La progression est très lente mais s’explique au moins partiellement par la pyramide des âges. La féminisation importante de la profession reste relativement récente. Si on se projette dans la décennie, le nombre de femmes chirurgiens membres de l’Académie devrait augmenter de manière exponentielle vu le nombre de jeunes chirurgiennes en formation. Cela pourra constituer un indicateur du suivi. Le 28 octobre 2009 Christine Grapin-Dagorno organisait la première séance de l’Académie sur les Femmes chirurgiens sous la présidence d’Henri Judet. Cette session abordait l’histoire des femmes chirurgiens et l’état des lieux en 2009. Il est intéressant de découvrir le nouvel état des lieux 2019 lors de cette nouvelle séance sur le sujet, exactement 10 années plus tard.