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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Préservation de la fertilité avec conservation du tissu ovarien : quand, comment et quels sont les résultats ?

Anis FEKI

Seance of wednesday 25 november 2020 (Communications libres (séance en visioconférence))

DOI number : 10.26299/vpx0-2k17/emem.2020.29.05

Abstract

Les progrès des traitements oncologiques permettent à un nombre croissant de femmes chez lesquelles un cancer a été diagnostiqué, d’envisager une guérison. Au moment du diagnostic ou dans le futur, parmi les jeunes femmes, un grand nombre présentent un désir de grossesse.
Certaines pathologies, et la plupart des chimiothérapies, peuvent altérer la réserve ovarienne et mettre en péril la fertilité. Il est donc essentiel que toutes les patientes qui le souhaitent soient adressées à un spécialiste en médecine de la reproduction afin de discuter les options de préservation de leur fertilité. Actuellement, la stimulation ovarienne avec cryoconservation d’ovocytes ou d’embryon représente la technique de choix. Toutefois, la technique de prélèvement et de cryoconservation de cortex ovarien est proposée dans une situation oncologique quand le traitement doit être initié de façon urgente ne permettant pas la réalisation d’une stimulation ovarienne avec prélèvement et vitrification d’ovocytes matures. Elle est de plus la seule technique envisageable chez les patientes pré-pubères.
Cette technique consiste à prélever des fragments d’ovaire, voire un ovaire entier, puis à isoler la partie corticale, la découper en bandes de 8-10 x 5 mm ou en pastilles de 2 x 2 mm qui sont Cryo conservées soit par une méthode de congélation lente, soit par vitrification. Le prélèvement de cortex ovarien est effectué par laparoscopie chez l’adulte et souvent par laparotomie chez les jeunes enfants.
Le cortex ovarien peut être transplanté en position ortho topique sur l’ovaire résiduel ou dans une poche péritonéale créée dans le péritoine de la fosse ovarienne, ce qui permet une conception naturelle en cas de reprise de l’activité ovulatoire ovarienne. Certaines équipes procèdent à plusieurs transplantations en l’espace de quelques mois. La première transplantation permet d’induire une néo vascularisation sur le site de la transplantation, ce qui permettrait une meilleure fonction après la deuxième transplantation. Alternativement, les fragments de cortex peuvent être transplantés dans des sites hétérotopiques comme le tissu sous-cutané de la paroi abdominale, de l’avant-bras ou du thorax. La transplantation permet de rétablir une fonction ovarienne transitoire avec une diminution des symptômes climatériques. De plus, récemment, la transplantation de cortex a permis d’induire la puberté chez une fille pré-pubère qui avait eu une préservation de cortex ovarien avant transplantation de cellules souches allo géniques pour une anémie falciforme. Actuellement de nombreuses équipes travaillent sur les techniques de conservation d’ovaire entier ainsi que sur les techniques de transplantations, sans succès pour l’instant.
La première naissance après transplantation ortho topique de cortex ovarien a été rapportée en 2004 et il y a moins plusieurs naissances rapportées au total à ce jour. Cependant, les chances de grossesse sont difficiles à évaluer.
Il est très important à noter que théoriquement, il existe un risque de réintroduction de la maladie difficilement évaluable pour certains cancers qui peuvent présenter des métastases ovariennes (leucémies, sarcome d’Ewing). Pour solutionner ce problème, le cortex peut être conservé chez ces jeunes patientes dans une perspective future de maturation in vitro de follicules primordiaux contenus dans le cortex ovarien, ce qui représente une autre possibilité de préservation de fertilité chez l’être humain. Compte tenu de tous ces importants progrès réalisés dans ce domaine, il légitime de proposer la conservation/greffe du tissu ovarien aux patientes dont la réserve ovarienne pourrait être altérée du fait d’une pathologie ou de son traitement, et que le temps disponible pour une stimulation ovarienne est limité.
Prof. Dr. med. Anis Feki MD, PhD - Médecin chef de service de gynécologie-obstétrique - HFR-Hôpital Cantonal Fribourg, Suisse