Dans les pas du Minotaure - De la fabrique d’organes comme issue imaginaire à la chirurgie de transplantation

Mettant en perspective la destinée des avancées chirurgicales auxquelles il avait contribué, Jean-Michel Dubernard aimait se référer à l'iconographie du mythe du Minotaure, tel que l’avait représenté Picasso. Cette créature chimérique, mi- homme, mi- taureau, entourée de fragments anatomiques épars tels que mains et visage, n'était-ce pas en définitive, la synthèse de son caractère et de son imaginaire qu'il nous invitait là à considérer? Celle sans aucun doute de l’axe directeur de sa pensée et de son œuvre, menée aux multiples frontières du possible qu'il n'a eu de cesse de bousculer et de franchir, tel le fils de Minos cherchant autrefois à s'évader des circonvolutions du labyrinthe où Dédale et les conventions l'avaient enfermé... Cheminant tel Thésée, le long du fil d'Ariane se déroulant dans les méandres de l'histoire de l'allotransplantation d'organes, de tissus et de cellules, parviendrions-nous, au bout de la pelote de notre quête d’innovation, à trouver l'issue lointaine des conflits et rejets qu’engendre le mystérieux mélange sanglant de nos identités? La transsubstanciation biologique serait-elle ainsi, au prix d’une nouvelle rupture transgressive, la voie régénératrice donnant accès au rêve inassouvi du Minotaure ? A savoir : s’affranchir, par la fabrique d’organes, des murs du labyrinthe de la diversité humaine, dans la volonté collective d’un progrès chirurgical, mais aussi universel, vers la tolérance…

Benoit Lengelé, Chaire d’Anatomie Humaine, Laboratoire de Morphologie expérimentale et Service de Chirurgie plastique et Microchirurgie reconstructrice de l’UCLouvain, Bruxelles, Belgique