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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Former comment ? Le compagnonnage

Pierre DEVALLET

Seance of wednesday 13 october 2021 (Aspects spécifiques de la formation en chirurgie)

DOI number : 10.26299/dkcc-dg55/emem.2021.29.09

Abstract

Toute pédagogie porte une idée préconçue sur l’objectif à atteindre. En ce qui concerne la
formation des chirurgiens au XXI° siècle, réduire le compagnonnage à une « méthode
traditionnelle » de formation ( donc susceptible de se soumettre aux changements de
l’évolution « moderne »...) court le risque de méconnaître le sens profond que revêt ce
vocable, appliqué à l’exercice chirurgical.
Le compagnonnage se réfère implicitement à la culture artisanale de l’art chirurgical.
Cette culture, développée par les compagnons bâtisseurs des XI° et XII° siècle, qui
pratiquaient l’art sacralisé du « trait » et de la taille de pierre, pour ériger des monuments
témoins d’une foi collective, est empreinte de valeurs ancestrales de l’excellence du savoirfaire,
du devoir de conscience professionnelle, d’indépendance et de responsabilité, et de
fraternité entre pairs, après avoir franchi les mêmes obstacles pour réaliser , non pas des
tâches laborieuses, mais des œuvres gratifiantes par leur difficulté, voire des chefs-d’œuvre
tant sur le plan technique qu’esthétique et de démonstration du génie humain.
La chirurgie, dans sa dimension technique de maitrise du geste et , sur le plan philosophique,
de transgression de l’intégrité corporelle, dans le but de sauvegarde et de réparation d’un
corps humain sacralisé, ne peut que se reconnaître dans ces principes de compagnonnage
permanent, de la formation initiale de l’interne / apprenti jusqu’aux échanges entre pairs
devenus maîtres à leur tour.
Le compagnonnage est consubstantiel de cette conception artisanale de l’exercice ; le danger
existe de voir disparaître à très court terme cette conception holistique du chirurgien, au profit
de techniciens du corps, praticiens troublés de l’ère post-moderne, tâcherons standardisés
chargés d’effectuer des processus numérisés, avant d’être remplacés rapidement par des
machines sans état d’âme, ni de compassion maitrisée envers la souffrance humaine.