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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Traumatologie oculo-orbitaire de guerre : quels progrès ?

Françoise FROUSSART-MAILLE

Seance of wednesday 17 november 2021 (Chirurgie ophtalmologique)

DOI number : 10.26299/bgt4-ym20/emem.2021.34.01

Abstract

En zone de conflit armé, les plaies oculaires sont majoritairement liées à la projection des éclats des Improvised Explosive Device (IED) et des débris telluriques qu’ils soufflent en explosant. Les lésions sont le plus souvent bilatérales, associées à des effets de blast et parfois des brûlures qui alourdissent le tableau clinique. Le contexte de survenue d’une plaie oculaire peut être isolé ou associé à traumatisme crânio-facial relevant d’une prise en charge à prioriser au sein d’une équipe multidisciplinaire. Les présentations cliniques sont variées, avec des tableaux lésionnels souvent graves liés aux atteintes quasi systématiques du segment postérieur : hémorragie intravitréenne, hématome choroïdien, décollement de rétine, impacts rétiniens, avulsion de la tête du nerf optique. La prise en charge chirurgicale initiale est effectuée sans délai, au plus tard dans les 24 premières heures afin de limiter le risque d’endophtalmie ; elle comprend un parage-suture associé à une injection d’antibiotiques in situ. L’extraction d’un CEIO peut être différée, de même que la prise en charge des lésions associées : cataracte traumatique, hémorragie intravitréenne, décollement de rétine. Cette prise en charge en deux temps est le plus souvent la règle et ne constitue pas une perte de chance. Elle permet au contraire une prise en charge optimisée, souvent impossible dans un contexte d’afflux massif de blessés, la reprise s’effectuant aux mains d’opérateurs disposant d’un bilan d’imagerie et d’un plateau technique plus complets. Le délai de réalisation de la vitrectomie, dans les 48-72 premières heures ou au contraire à 10-12 jours suivant le traumatisme, fait de moins en moins débat, le pronostic anatomique et fonctionnel de ces yeux blessés étant amélioré par un geste précoce désormais facilité par la miniaturisation des instruments, les progrès des vitréotomes, les systèmes de visualisation grand champ et les possibilités d’éclairage par sources lumineuses secondaires. Lorsque l’agent vulnérant se révèle être une balle à haute cinétique, les lésions sont plus dramatiques avec des effets de cavitation particulièrement destructeurs au niveau de l’orbite osseuse peu compliante. Les plaies délabrantes du globe nécessitent une fermeture de sauvetage ou de propreté. La réalisation d’une énucléation d’emblée est mutilante et non nécessaire sauf exception. L’éviscération du tissu uvéal n’est pas la règle, la mise en place d’un implant intraorbitaire est contre-indiquée à ce stade et ne sera envisagée que plus tardivement en fonction de l’évolution. Si les progrès actuels sont certains sur les résultats anatomiques, l’issue fonctionnelle de ces yeux reste toujours réservée, imposant le port de masques balistiques au combattant en toute circonstance.

Pr Françoise Froussart-Maille - Hia Percy, Clamart