Fr | En
The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Enregistrement video et chirurgie

Philippe KONINCKX

Seance of wednesday 26 april 2023 (La prévention et la maîtrise du risque en chirurgie et médecine interventionnelle)

DOI number : 10.26299/gbty-9720/emem.2023.16.02

Abstract

La qualité d’une intervention chirurgicale est difficile à définir car elle doit prendre en compte de nombreux paramètres (indication, acte chirurgical lui-même mais aussi les suites, l’absence de complication et la réhabilitation rapide du patient)
Il est clair néanmoins, qu’une mauvaise indication, une chirurgie nécessitant une reprise ou la survenue d’une complication sévère sont des paramètres qui vont couter très cher physiquement au patient et financièrement à la société.
En chirurgie, il est difficile d’évaluer la qualité de la chirurgie lorsque le risque de complication est inférieur à 5% ce qui est fréquent avec la chirurgie moderne. Les paramètres à prendre en compte sont multivariés (par exemple le temps opératoire augmente le risque d’adhérences post -opératoires, mais si le chirurgien opère trop vite il augmente le risque opératoire et les complications)
A la différence des médicaments ou les risques sont facilement quantifiables (par exemple le chloramphénicol a été retiré du marché cat il présentait un risque d’anémie aplasique de 1/1000). , il est clair que les paramètres de la chirurgie sont trop variables et trop multivariés. C’est une des raisons pour lesquelles l’expérience et la statistique Bayésienne sont importantes.
On peut faire une analogie avec le monde aéronautique, où après chaque vol a lieu un débriefing ou les « near misses » sont revus. Le but n’est pas punitif mais éducatif. Ce qui est inacceptable, par exemple dans l’armée de l’Air Israélienne est de tenter de masquer une erreur, ce qui conduit systématiquement à évincer le pilote. La boîte noire est pour cela d’un grand apport pour comprendre et progresser.
La pratique de la coeliochirurgie nous a appris a enregistré les interventions pour un coût négligeable. Les autorités sanitaires pourraient demander un enregistrement systématique et obligatoire de toutes les interventions, de façon à s’assurer de la pertinence de l’indication, de sa réalisation et , en cas de complication, de juger si il s’agit d’une erreur technique ou d’un aléa inévitable compte tenu des conditions pathologiques ou anatomiques.
Au plan médico-légal, cet enregistrement permettrait également au chirurgien de pouvoir se défendre en cas de plainte
Dans ce cas il serait indispensable que les enregistrements soient revus par des chirurgiens et l’on peut penser que le seul fait d’enregistrer entrainerait une prudence accrue du chirurgien.
Il est aussi évident que l’enregistrement vidéo n’est pas fait pour punir mais pour apprendre, prévenir et améliorer le geste et à cet égard un changement culturel doit intervenir. Déjà certaines équipes pratiquent l’enregistrement systématique chirurgical et anesthésique conjointement.
Il reste à savoir si l’enregistrement fait partie du dossier médical, s’il appartient au patient(e) et comment éviter manipulation et falsification
A titre personnel j’enregistre systématiquement toutes mes interventions depuis 2000 et cela m’a permis, en Angleterre, de voir deux plaintes abandonnées au vu de l’enregistrement.