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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

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Seance of wednesday 11 january 2017 (SÉANCE SOLENNELLE)

Abstract

Monsieur le Président,Mesdames et Messieurs,Chers Collègues, Chers Amis.Trente années séparent la présidence d'Henri Judet de celle de son père Jean Judet. Dans son discours, celui-ci avait associé à cet honneur son frère Robert trop tôt disparu six ans plus tôt en assurant « je suis heureux pour deux ». Ces trente années donnent la mesure de la place acquise par la chirurgie orthopédique dans notre compagnie, place qui est le reflet de celle qu'elle occupe dans la chirurgie française.Longtemps marginalisée au sein de la chirurgie générale une et indivisible, la chirurgie orthopédique a vu sa genèse s'accélérer rapidement en 1945 au lendemain de la guerre. Trois personnalités chirurgicales exceptionnelles ont marqué cet essor : Robert Merle d'Aubigné, d’une part et les frères Jean et Robert Judet, d’autre part. Travailleurs acharnés, passionnés par leur métier, entraîneurs d'hommes, d'une grande intelligence visionnaire, ils ont organisé la chirurgie orthopédique française au milieu du XX° siècle de manière très complémentaire.Avec Robert Merle d'Aubigné, c'était la rigueur protestante teintée de perfectionnisme. C'était aussi l'inspiration pragmatique anglo-saxonne valorisée par sa séduction naturelle. Son panache le fit appeler le "partisan" par son maître préféré Paul Lecène. Il s'intéressa à tous les aspects de la chirurgie orthopédique, mais ce fut dans la mise en œuvre de la spécialité qu'il excella, laissant une puissante empreinte toujours perceptible. Il organisa l'enseignement, la formation des élèves, la recherche, la planification des soins, tout en encourageant la diversification progressive de la spécialité naissante en de multiples sous-spécialités. Animé par un projet de construction d'un grand centre parisien moderne de chirurgie réparatrice à l'image de ce qui se faisait à l'étranger, il rendit visite dès le début de son clinicat à Boehler à Vienne et à Putti à Bologne, plus tard à Watson-Jones à Londres.Très différents étaient les frères Judet. D'abord ils étaient deux. Ce fut à deux qu'ils bâtirent leur réputation en France comme à l'étranger tout en conservant chacun leur personnalité et leur identité professionnelle. Initiés tous deux à la chirurgie par leur père Henri Judet, originaire du plateau de Millevaches, un des premiers chirurgiens orthopédistes installés à Paris, Jean Judet se consacra à l'orthopédie pédiatrique et Robert Judet à l'orthopédie de l'adulte. Ils ne firent en réalité qu'un, et à la disparition prématurée de Robert le cadet, Jean l'aîné se retrouva comme orphelin de son partenaire de toujours. Avec les frères Judet, c'était l'innovation permanente, un foisonnement d'idées, bonnes ou mauvaises, discutées ensemble, abandonnées puis reprises, sans que l'on sache vraiment lors de la réalisation d'une idée lequel des deux l'avait eue. C'était un bouillonnement créateur permanent animé par leur passion commune, l'orthopédie au service des malades.Nés au début du XX° siècle, Robert Merle d'Aubigné en 1900, Jean Judet en 1905 et Robert Judet en 1909, ils incarnèrent et finirent par symboliser la chirurgie orthopédique française moderne du milieu du siècle. Quel chemin parcouru depuis leurs brillantes études de médecine pour en arriver là. Nommés à l'internat respectivement en 1924, 1929 et 1931, ils hésitèrent curieusement tous les trois et pour des raisons différentes à devenir chirurgien. Leur choix fait, ils s'y engagèrent à fond et acquirent la formation très générale de l'époque. Mais assez rapidement ils s'orientèrent vers la chirurgie orthopédique, Robert Merle d'Aubigné par choix personnel et les frères Judet pour suivre l'exemple de leur père Henri, « nous ne pouvions démériter » dirent-ils.La chirurgie orthopédique n'avait alors une place reconnue que dans les services de chirurgie pédiatrique dont elle représentait une part prépondérante de l'activité, notamment chez Pierre Fredet et Louis Ombredanne. Dans les services de chirurgie d'adulte, la place prépondérante revenait à la chirurgie viscérale. Il n'y avait alors qu'un seul service de chirurgie orthopédique d'adulte à Paris, celui de Paul Mathieu, ami d'Henri Judet, devenu professeur de chirurgie orthopédique en 1930 et chef du service de chirurgie orthopédique d'adulte à Cochin dans le vétuste pavillon Lister en 1931.Au terme d'un long cheminement, la chirurgie ostéoarticulaire ne s'était vraiment développée qu'à la fin du XIX° siècle sous l'impulsion de rares et fortes personnalités comme celle du lyonnais Léopold Ollier. Celui-ci se fit le champion de la chirurgie orthopédique conservatrice par rapport à la chirurgie mutilante héritée des guerres de la Révolution et de l'Empire. Jusqu'alors la prise en charge des infirmités et des traumatismes n'avait guère évolué depuis les travaux de Guy de Chauliac au XIV° siècle et d'Ambroise Paré au XVI° siècle. Il n'y avait notamment pas de vocable pour l'identifier. Ce fut un médecin, Nicolas Andry, doyen de la faculté de médecine de Paris, qui proposa en 1741 le terme d'orthopédie pour désigner les méthodes de traitement des infirmités de l'enfant, dont est issu le logo que nous connaissons. Mais ce ne fut que plus d'un siècle plus tard que ce terme d'orthopédie finit par désigner l'ensemble des méthodes, chirurgicales ou non, de prise en charge des infirmités et des traumatismes de l'enfant et de l'adulte, plus précisément sous le vocable de chirurgie orthopédique.Bien qu'elle ne fût reconnue comme spécialité qu'en 1983, l'orthopédie intéressait alors de plus en plus de chirurgiens en raison de ses progrès. Le 8 octobre 1918, l’issue de la guerre ne faisant plus guère de doute, Édouard Kirmisson, professeur de chirurgie pédiatrique, réunit une vingtaine d'entre eux, à l'occasion du congrès français de chirurgie, pour fonder la SFO, Société Française d'Orthopédie. Henri Judet fit partie des membres fondateurs. La SFO devint la SFOT, Société Française d'Orthopédie et de Traumatologie en 1937 et la SOFCOT, Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique en 1968. La SFO resta présidée par les chirurgiens pédiatres jusqu'à la présidence de Paul Mathieu en 1933 et 1934, consacrant alors l’accession à la maturité de la chirurgie orthopédique de l’adulte.Robert Merle d'Aubigné s'engagea dans la voie des concours hospitaliers et universitaires. Constatant les limites de la formation orthopédique dans les services de chirurgie générale d'adulte, il rechercha au terme de son internat un poste d'assistant dans un service de chirurgie générale où développer l'orthopédie. Ayant fait une très brillante année de médaille d'or chez Paul Lecène, il devait en devenir l'assistant. Mais au décès brutal et prématuré de celui-ci à l'automne 1929, il fut recueilli par Pierre Duval dont il devint l'assistant jusqu'en 1943 après avoir été nommé chirurgien des hôpitaux en 1936.Les frères Judet s'engagèrent dans la même voie quelques années plus tard, bénéficiant d'un enseignement plus spécifiquement orthopédique d’une part auprès d'André Richard à Berck puis à St Louis et de Paul Mathieu à Cochin et d’autre part auprès de leur père Henri Judet. Celui-ci leur communiqua son dynamisme et sa passion pour l'innovation. Son importante clientèle l'avait conduit à construire une petite clinique de 40 lits square Desaix en 1935, clinique où naquit notre Président Henri Judet trois ans plus tard. Sa curiosité l'avait poussé à s'intéresser notamment à la physiopathologie du cartilage articulaire et à la diffusion de diverses techniques, comme l'usage du fixateur externe du belge Alain Lambotte que son fils Jean améliora.Jean Judet fut orienté assez tôt vers la chirurgie orthopédique pédiatrique par Louis Ombredanne dont il devint l'assistant. Robert Judet devint l'assistant de Paul Mathieu, s'orientant vers la chirurgie orthopédique de l'adulte. Tous deux furent très marqués par Louis Houdard, chez lequel ils passèrent ensemble un semestre d'internat passionnant et dont ils restèrent très proches. La guerre vint interrompre ces cursus et, en bouleversant l'ordre ancien, put permettre à ces jeunes talents de réaliser leurs projets. S'étant bien comportés à la tête de leurs ambulances mobiles respectives en 1939-1940, ils furent meurtris par le désastre de 1940 et reprirent leurs activités en s'engageant dans la résistance à l'occupant. Démobilisé, Robert Merle d'Aubigné partagea son temps entre le service de Pierre Duval et la clinique des diaconesses en se rapprochant du réseau de Louis Pasteur Valery-Radot, Robert Debré et Paul Milliez. Faits prisonniers, les frères Judet s'évadèrent rapidement du train qui les emmenait en Allemagne et reprirent leurs postes hospitaliers, chez Jacques Leveuf successeur de Louis Ombredanne pour Jean et chez Paul Mathieu puis Louis Houdard pour Robert. Travaillant beaucoup à la clinique Desaix, ils en prirent la direction en 1942 au décès de leur père, prenant en charge de nombreux blessés clandestins, résistants ou aviateurs anglo-américains. Ceci valut à Robert des ennuis avec la Gestapo peu avant la Libération. Interrogé une journée entière sans résultat, il finit par être libéré dans la soirée et piqua alors, selon son frère, une colère homérique, exigeant d'être reconduit à la clinique où l'attendaient ses malades depuis le matin. Ce qui fut fait dans une voiture de la Gestapo qui se trouvait dans la cour de la rue des Saussaies.La Libération en 1944, puis l'armistice en 1945 eurent pour chacun d'eux un effet libérateur, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Après avoir participé activement à la libération de Paris, chacun suivit une voie différente. Robert Judet s'engagea dans la 1ère Armée où il fit un travail remarquable pendant la bataille d'Alsace au cours de l'hiver 1944-1945 à la tête d'une ambulance mobile avec Claude Houdard, neveu de son maître Louis Houdard. Jean Judet assura leurs responsabilités hospitalières et privées en l'absence de Robert. Cette période de grands bouleversements fut l'occasion pour Robert Merle d'Aubigné de commencer à donner sa pleine mesure. Prenant contact avec les responsables du corps de santé des armées anglo-américaines, il les guida dans le choix de leurs hôpitaux militaires pendant la bataille de France, notamment de Beaujon et de Foch. Il les conseilla également pour l'intégration des médecins FFI puis FTP dans l'armée française. Ayant gagné leur confiance, il obtint de visiter en Angleterre avec Pierre Lance les hôpitaux civils et militaires prenant en charge les blessés pour s'en inspirer dans la construction d'établissements semblables en France. Il appréciait « la rigueur et la bonté discrète des anglais ». Tout alla alors très vite pour lui. Dès l'été 1945, il regroupa à Foch une équipe dynamique et motivée dont la plupart des membres le suivit partout : Robert Meary, Michel Postel, Jacques Ramadier, mais aussi Roger Timal et Louis Descamps, sans oublier la place devenue essentielle des anesthésistes Édouard Kern et Jean Lassner. Mais Foch ayant été confié à Paul Padovani au départ des anglo-américains, il émigra à Léopold Bellan avant d'aller à Cochin, succéder à Paul Mathieu. En effet, nommé professeur agrégé en 1946, Robert Merle d'Aubigné devint rapidement professeur de chirurgie orthopédique en 1948 et succéda alors à Paul Mathieu dans le service de Cochin du vétuste pavillon Lister. Ayant l'intuition qu'il pouvait réaliser à Cochin librement son projet de grand centre parisien moderne de chirurgie réparatrice de l'adulte, il refusa deux propositions. Celle d'occuper le service récent de chirurgie pédiatrique des Enfants Malades construit juste avant la guerre. Et celle de recevoir un financement indirect de la Sécurité Sociale nouvellement créée dont il craignait d'être l'obligé. Il remua ciel et terre et parvint à ses fins en inaugurant en 1959 le pavillon remplaçant le pavillon Lister, auquel il donna le nom de Léopold Ollier et au fronton duquel il fit écrire en grec la fière devise de son maître vénéré Paul Lecène « la parole n'est que l'ombre de l'action ». Les lyonnais reconnaissants lui offrirent le buste de Léopold Ollier pour honorer ce pavillon.Conscient de l'importance de la chirurgie pédiatrique en complément de son projet, il noua un partenariat fécond avec l'équipe de Pierre Petit dont le service de St Vincent de Paul était voisin de Cochin. Cela enrichissait la diversification de son équipe avec notamment Robert Meary qui devint le référent de la chirurgie du pied et des tumeurs osseuses, Michel Postel celui de la hanche et du genou, Jacques Ramadier celui de la colonne vertébrale, Raoul Tubiana celui de la main, chacun contribuant à l'enseignement des nombreux élèves français et étrangers. Parmi eux, Jacques Duparc poursuivit à Bichat l'enseignement de l'école de Cochin. Robert Merle d'Aubigné s'intéressa ainsi à tous les aspects de l'orthopédie, anesthésie, réanimation et rééducation comprises et les travaux du service donnèrent lieu à de multiples publications avec ses élèves, chacun dans son domaine de prédilection. Mais c'est dans l'organisation, la promotion et la transmission de la spécialité de la chirurgie orthopédique naissante que son rôle a été essentiel. Exceptionnel chef d'école, il apportait la rigueur et la fermeté indispensables à l'élaboration des méthodes diagnostiques et thérapeutiques permettant à chacun de poser des indications opératoires rationnelles.Les frères Judet partageaient leurs activités entre la clinique Desaix et leurs services hospitaliers, Jean aux Enfants Malades où il était chargé de l'orthopédie pédiatrique chez Jacques Leveuf, puis au décès de celui-ci en 1948 chez Marcel Fèvre, enfin à la retraite de ce dernier chez Denys Pellerin en 1970. Et Robert chez Louis Houdard qui l'avait chargé de la chirurgie orthopédique de l'adulte dans son service. C'est en 1946 qu'ils apportèrent une solution révolutionnaire au traitement des pathologies invalidantes de la hanche, qu'elles soient dégénératives ou traumatiques, en mettant au point une prothèse fémorale en résine acrylique. L'idée était dans l'air. Sa concrétisation vint de la rencontre avec le père de leur élève Pierre Rigault, chirurgien ORL qui posait des petites prothèses en résine acrylique parfaitement tolérées par l'organisme. Les prothèses furent au début usinées sur mesure par un tourneur de Belleville. La première prothèse fut posée à la clinique Desaix pour arthrose et la seconde à Rothschild pour fracture. En un an, les frères Judet posèrent six prothèses, toutes par voie antérieure. Le retentissement de cette innovation fut considérable, tant en France qu'à l'étranger.Et Michel Postel le saluait trente-cinq ans plus tard « pour donner naissance à la chirurgie prothétique de la hanche il fallait un trait de génie et une audace qui semble maintenant de la routine. C'est là qu'est le point de départ de la chirurgie moderne de la hanche ». Ce succès fut à l'origine de la notoriété des frères Judet et donna un coup d'accélérateur aux multiples innovations qui suivirent ainsi qu'à leur activité qui les obligea à quitter le square Desaix pour le square Jouvenet où fut construite la clinique actuelle de la "maison Judet" par des maçons de la Creuse, région à laquelle ils restèrent toute leur vie très attachés. Inaugurée en 1957, leurs descendants y exercent toujours.Robert Judet fut nommé chirurgien des hôpitaux en 1951, professeur agrégé en 1953, chef d'un petit service périphérique à Raymond Poincaré en 1956 et professeur de chirurgie orthopédique en 1962, avec l’appui de Robert Merle d’Aubigné « Nous n’étions rivaux que dans l’estime et l’affection de nos élèves. Il lui fallait un commandement. Je proposais au Conseil de Faculté la création d’une 3ème chaire de chirurgie orthopédique après la mienne en 1948 et celle de Paul Padovani en 1961, pour l’homme qui par sa personnalité et son talent pédagogique s’était vite imposé aux étudiants et aux enseignants ». C'est alors qu'il transforma son petit service en un grand centre moderne de chirurgie réparatrice de réputation internationale de 230 lits. Il regroupait toutes les activités de l'orthopédie avec une équipe prestigieuse qui évolua avec le temps et compta notamment Gérald Lord, Jean Lagrange, Pierre Rigault, Raymond Roy-Camille, Émile Letournel, Jean-Claude Pouliquen et bien d'autres élèves et amis français et étrangers. Son fils Thierry Judet, reprendra le flambeau du service 20 ans après sa disparition.Les frères Judet joignaient à leur rigueur intellectuelle une grande habileté manuelle héritée du pavillon d'anatomie et une exceptionnelle capacité d'innovation dans tous les domaines de l'orthopédie. Si beaucoup de ces innovations furent oubliées, soit qu'on ait trouvé mieux, soit que la page fut tournée et que l'on soit passé à autre chose, certaines restèrent néanmoins. Comme l'arthroplastie de hanche dont plusieurs modèles suivirent la prothèse initiale, puis l’arthroplastie du genou. Comme la ligamentoplastie du genou. Comme la reprise précoce des infections post-opératoires aiguës. Comme la décortication sous-périostée pour les pseudarthroses. Comme la grande désinsertion quadricipitale pour raideur du genou, dont l'idée est venue à Jean Judet au cours d'une pause à un congrès international où il venait de faire une communication sur la chirurgie du genou soulevant plus d'interrogations qu'elle n'apportait de réponses. Comme la recherche systématique des luxations de hanche chez le nouveau-né dont Jean Judet avait convaincue la secrétaire d'état à la santé de l'époque, Marie-Madeleine Dienesch. C'est ainsi que l’on peut dire que les frères Judet furent un seul et même grand chef d'école. Leur fantaisie créatrice enrichissait et complétait ce que la rigueur de l'école de Cochin avait quelquefois de contraignant.Cette âpre compétition intellectuelle, morale et technique très stimulante pour les deux écoles avait ses limites. Tous se connaissaient et s'estimaient, appréciant de transférer leurs rivalités sur le terrain du sport. Ce que confirmait Michel Postel en écrivant « ces joutes oratoires ou épistolaires furent bénéfiques pour tous mais ne furent possibles et tolérables que parce que facteur de progrès dans l'estime réciproque ».Président de la SOFCOT en 1973, membre d'honneur de nombreuses sociétés savantes étrangères, Robert Judet s'est éteint brusquement en 1980 en pleine force de l'âge. Robert Merle d'Aubigné salua « le souvenir de cet homme indomptable, excellent débateur, qui, outre la force physique, l'intelligence et l'innovation, avait un pouvoir de séduction qui paraissait tenir de l'enchantement ». Et Charnley écrivit « la France a produit de grands chirurgiens orthopédistes, mais parmi eux Robert Judet est certainement celui qui fut le plus connu ».Robert Merle d'Aubigné connut une fin de vie professionnelle couverte des honneurs qu'il aimait, président de la SOFCOT en 1959, de la SICOT en 1966, membre de l'Académie de Chirurgie, de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences au fauteuil de Gaston Cordier qui venait de succéder à Henri Mondor et membre d'honneur de nombreuses sociétés savantes étrangères. À partir de 1970, sa retraite très active fut partagée entre sa maison de Fontainebleau, son bateau "l'Anémone" et ses orangers d'Alicante car il ne pouvait plus parcourir la montagne qui fut une de ses grandes passions. Il s'éteignit en 1989. Michel Postel salua « le créateur d'une école de chirurgie française qui n'existait pas avant lui et a remué ciel et terre pour construire le service de Cochin ». Et Régis Lisfranc ajoutait "quel panache" cheveux au vent dans son Aston Martin décapotable.Jean Judet ne s'était pas vraiment remis de la disparition de son frère Robert précisant « pendant toute notre vie, il n'y eut pas une minute de dissension entre nous » et il ajoutait « le courage était chez moi un effort, alors qu'il était naturel chez lui ». Président de la SOFCOT en 1965, membre d'honneur de nombreuses sociétés savantes étrangères, il fut un président très heureux de notre compagnie en 1986. Son élève Pierre Rigault lui vouait une profonde reconnaissance « Monsieur Jean était un homme exceptionnel, élégant d'allure, distingué, voire charmeur. Il pouvait être fantasque. C'était surtout un homme de cœur, chaleureux avec ses petits patients et leurs familles, adoré sinon vénéré en retour par ceux auxquels il était si attentif. Courtois, jamais emporté, il savait conquérir la confiance de ses petits malades qu'il connaissait si bien et la sympathie de leur entourage ». Vous aurez pu reconnaître notre Président son fils dans ce très beau portrait.Ces trois grandes figures de la chirurgie orthopédique française avaient naturellement leur part d'ombre comme chacun d'entre nous. Après avoir trop brièvement évoqué leur part de lumière, retenons comme maxime pour les générations qui viennent « ils ne savaient pas que c'était impossible et ils l'ont fait ».Je vous remercie de votre attention.