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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Remerciements aux personnalités présentes - Allocution du Président Henri JUDET

JUDET H

Seance of wednesday 11 january 2017 (SÉANCE SOLENNELLE)

Abstract

Mesdames, Messieurs, Je déclare ouverte la séance solennelle de l’Académie Nationale de Chirurgie.Je tiens d’abord à remercier les personnalités qui nous honorent de leur présence :• Madame Liliana FERRER, Ministre Conseillère à l'Ambassade du Mexique à Paris• Monsieur Efrén GARCÍA, Conseiller de presse à l'Ambassade du Mexique à Paris• Madame Estefania ANGELES, Attachée de Coopération à l'Ambassade du Mexique à Paris• Monsieur Christian CHATELAIN, Vice-président de l’Académie Nationale de Médecine• Monsieur Daniel COUTURIER, Secrétaire perpétuel de l’Académie Nationale de Médecine• Monsieur Patrick LE BAIL, Président de l’Académie Vétérinaire de France• Monsieur André Laurent PARODI, Past président de l’Académie Nationale de Médecine• Monsieur Jean-Pierre JEGOU, Secrétaire général de l’Académie Vétérinaire de France• Madame Marysette FOLLIGUET, Présidente de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire• Monsieur le Médecin Général Inspecteur François PONS, Directeur de l’École du Val de Grâce• Monsieur Carle BONAFOUS-MURAT, Président de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3• Madame Marie-Thérèse LACOMBE, Conseillère d'arrondissement, représentant le Maire du 6ème arrondissement• Monsieur ZHENG Ban représentant en France de la Fondation franco chinoise BoxiaoMessieurs les Anciens Présidents de l’Académie Nationale de Chirurgie,Mesdames, Messieurs les représentants des Sociétés Savantes et des Collèges de spécialités chirurgicales,Mesdames, Messieurs les représentants de l’Administration et des Fédérations Hospitalières,Mesdames, Messieurs les Académiciens,Cher(e)s Collègues, Cher(e)s Ami(e)s,Lorsque, au cours de la Séance Solennelle de l’Académie Nationale de Chirurgie en janvier 1969, j’ai reçu, jeune interne intimidé, le Prix Le Dentu-Renon récompensant l’Interne Médaille d’Or en Chirurgie des mains du Président de l’époque, André Sicard, je n’imaginais pas que 47 ans plus tard, je remettrai cette Médaille à une autre jeune Interne, peut-être moins intimidée, en tant que Président à mon tour.Cet honneur, je le dois à la confiance des membres de notre Compagnie que je remercie chaleureusement de m’avoir confié une telle responsabilité.J’ai eu l’immense chance d’être immergé dès mon plus jeune âge dans le monde de la chirurgie.Avoir eu un grand-père, issu d’une modeste famille de paysans creusois, devenu Docteur-es Sciences et chirurgien orthopédiste à l’aube du développement de cette spécialité, était déjà un formidable exemple.Avoir de, de surcroît, un père et un oncle, Jean et Robert Judet parmi les grands fondateurs de l’orthopédie moderne, ne cessant d’entreprendre et d’innover, constitua une motivation exceptionnelle.Mon père, Jean Judet, Président de l’Académie en 1986, exactement 30 ans avant moi, a été, par sa conception à la fois dynamique et humaniste de la chirurgie, mon guide pour ma vie et mon compagnon pour la chirurgie.Lui, qui a été à l’origine de tant d’innovations écrivait « La technicité ne doit pas nous éloigner des grandes lois de la nature humaine, quels que soient les bouleversements technologiques, il est une valeur permanente, l’humanité qui doit aujourd’hui comme jamais imprégner nos rapports avec les malades et d’où naît le mot qui résume tout, la confiance ».Alors, fort de cet exemple, je me suis lancé à mon tour dans ce métier, persuadé que rien d’autre ne pouvait être plus beau.À l’époque où l’on pouvait choisir librement sa formation, j’ai eu la chance d’accéder à ce que l’on appelait « les grandes écoles chirurgicales » où les maîtres qui les dirigeaient étaient non seulement des enseignants techniques, mais des mentors intellectuels. Autant que le geste chirurgical, ils nous apprenaient par l’étendue de leur savoir et leur comportement, une véritable culture de notre métier. Ces écoles s’affrontent souvent vigoureusement. Mais j’étais persuadé qu’aucune ne possédaient la vérité, tant en chirurgie la vérité est multiforme et je faisais en sorte de fréquenter les unes et les autres pour essayer de trouver un chemin qui évite tout dogmatisme.C’est ainsi que mes patrons ont été aussi différents, mais aussi formateurs que Robert Merle d’Aubigné, Jean Cauchoix, Raymond Roy Camille, Michel Postel et même Pierre Petit car j’étais et je suis toujours persuadé que bien comprendre l’orthopédie adulte nécessite une bonne culture de l’orthopédie pédiatrique.Et très tôt dans ma carrière, j’ai pu découvrir l’Amérique. Pour un jeune interne français de l’époque, l’objectif louable était d’apprendre à opérer, mais les perspectives allaient rarement au-delà. À New-York, à l’ « Hospital for Special Surgery », partie de l’Université de Cornell, j’ai été accueilli comme « fellow ». On m’a mis d’emblée sous les yeux 3 anneaux liés les uns aux autres, comme les anneaux olympiques. Devant mon regard étonné, on m’a fait comprendre qu’ils représentaient la clinique, l’enseignement et le recherche, indissociables pour les américains.D’un côté de la rue il y avait l’hôpital, de l’autre côté les laboratoires de recherche et par-dessus la rue, un pont, qui reliait symboliquement l’un à l’autre. Et ce symbole, je l’ai désormais franchi à de nombreuses reprises. Ce souvenir fera souvenir les jeunes qui sont dans cette salle et qui ont pu mener à bien avec les moyens modernes les projets de recherche pour lesquels l’Académie va les récompenser. Mais pour moi, compte-tenu des conditions de l’époque en France, ce fut un choc, mais un choc salutaire pour l’orientation de ma carrière. Et bien qu’exerçant en pratique libérale, j’ai toujours eu à cœur de m’astreindre à la rigueur de la recherche clinique et à l’enseignement des collaborateurs et résidents qui m’ont entouré.Deux domaines m’ont particulièrement passionné : - Tout d’abord l’arrivée de la microchirurgie et son application aux greffes osseuses et à la revascularisation des nécroses, la vascularisation de l’os, faire vivre un os ayant de tout temps été un challenge pour le chirurgien orthopédiste. - Ensuite, l’application de la chirurgie assistée par ordinateur à la pose des prothèses articulaires dont le résultat à long terme est dépendant de la précision de la mise en place, la sécuriser et la rendre reproductible m’ayant paru essentiel d’autant que leur développement n’a pas cessé depuis la prothèse acrylique de Jean et Robert Judet en 1946.Et puis, au bout du parcours, je me suis retrouvé par les mystères du destin, d’abord secrétaire général puis président de l’Académie Nationale de Chirurgie. Et là, je suis sorti de ma spécialité pour être confronté semaine après semaine à toutes les spécialités chirurgicales.L’impression est terrible car, voir jour après jour l’évolution fulgurante de notre métier dans tous les domaines, donne une impression de vertige. Pour essayer de conserver mon équilibre je me suis arrêté à deux bouleversements qui me paraissent emblématiques de cette évolution.1. Les salles d’opération sont devenues hybrides. Là où nous avions l’habitude de trouver une table d’opération, un Scialytique et un appareil d’anesthésie, nous sommes de nos jours cernés par une quantité d’appareils sophistiqués (scanners, IRM, échographie et autres…), tous plus utiles les uns que les autres mais nécessitant le recours à des spécialistes, des techniciens voire des ingénieurs. Nous ne sommes plus les seuls maîtres à bord.2. La chirurgie est devenue interventionnelle. Là où notre marque de fabrique était un bistouri avec lequel nous ouvrions largement le corps humain, là où nos maîtres n’hésitaient pas à nous conseiller de nous agrandir si la visibilité n’était pas suffisante, nous intervenons par de petits orifices, le long d’une veine ou d’une artère, voire à travers un organe pour en atteindre un autre. L’objectif étant la rapidité de la récupération souvent spectaculaire et l’absence de trace sur le corps humain.Alors, les salles d’opérations sont devenues hybrides, la chirurgie est devenue interventionnelle, mais le chirurgien, lui, qu’est-il devenu ? Est-il toujours vivant ?Je voudrais répondre résolument oui. Prenons un par un les maîtres mots de notre métier.- L’innovation, la porte ouverte du progrès. On entend immédiatement un quirielle d termes complexes qu’il nous semble difficile d’appréhender : biomarqueurs, imagerie tissulaire, biotechnologie, imprimante 3D, nanotechnologie. Mais pour innover il faut une idée, cette idée il faut y croire, pour la mettre en œuvre, il faut la volonté, la patience, la persévérance, savoir affronter le doute, autant de qualités humaines qui restent de notre domaine.- L’enseignement, les jeunes étudiants ont à leur disposition les développements les plus sophistiqués. Ils ont accès à des plate formes, à des algorithmes, ils travaillent dans des laboratoires de simulation, ils sont familiers avec l’image virtuelle. Mais lorsqu’on les interroge, ils ont à la bouche un mot qui vient du Moyen-Âge « le Compagnonnage ». Ils tiennent à avoir un maître, un guide, quelqu’un avec lequel ils puissent dialoguer, échanger, quelqu’un de confiance qu’ils respectent et qui les respecte, autant de qualités humaines qui restent de notre domaine.- Et ceux à qui s’adressent à nos pratiques, les malades. Nous ne les voyons pratiquement plus. Ils arrivent en milieu hospitalier à 7h du matin pour ressortir le soir à 18h. Nous les opérons de plus en plus à l’aide d’une console à distance de plusieurs mètres de la table d’opération où ils reposent quand ce n’est pas à travers murs et continents.Nous les suiveurs à l’aide de smartphones à travers lesquels ils nous envoient les photos de leur plaie opératoire ou les résultats de leurs examens biologiques.Mais, lorsque malgré le respect de la recommandation, l’application du protocole, la réunion multidisciplinaire, la complication survient, la situation se dégrade, le résultat devient aléatoire, l’angoisse monte chez le malade et son entourage, que nous reste-il ?Notre présence, nos explications, nos paroles de réconfort, nos gestes de compassion et parfois simplement un regard ou un sourire, autant de qualités humaines qui restent notre domaine.Nous restons et devons rester toujours bien vivants !Lorsqu’en 1731, Georges Mareschal devenu premier chirurgien du Roi a demandé à Louis XV de créer l’Académie Royale de chirurgie sur le modèle de l’Académie des Sciences pour faire reconnaître les chirurgiens jusque-là aux Barbiers, le Roi eu cette réponse magnifique : « les chirurgiens, il est de ma gloire de les élever » et bien restons élevés. Les technologies mises à notre disposition sont de merveilleux outils permettant de réaliser des actes chirurgicaux que nous pensions impossibles, mais dans la mesure où nous en gardons la maîtrise, où le vertige de leur utilisation ne nous fait pas oublier le caractère humain de notre vocation et où nous conservons plus fort que jamais le sens de notre éthique comme garde-fou pour se prémunir d’éventuels dérapages.J’ai eu la chance d’exercer avant la Présidence, la fonction de secrétaire général pendant 6 ans et j’avais parmi mes tâches la mission de faire chaque année, lors de la séance solennelle, revivre un grand chirurgien du passé. J’ai ainsi vécu ces années à leur côté, comme des compagnons et ce en remontant jusqu’au Moyen-Âge. Tous ont été des innovateurs, tous ont été des inventeurs, mais tous ont toujours fait référence à la nécessité incontournable de rester dans les limites de notre vocation humaine.Écoutons-les parler, écoutons Guy de Chauliac en 1383 « Ce n’est au pouvoir des Médecins de toujours relever et guérir les malades. Requérir du Médecin une démonstration est comme requérir d’un bègue une harangue. Il suffit de faire ce que l’art commande ».Écoutons Dominique Larrey en 1813 « Le Médecin est et doit être l’ami de l’humanité. En cette qualité, il doit toujours parler et agir en sa faveur. Vous ne devez voir que l’organisme du malade, le reste ne nous regarde pas ».Écoutons René Leriche en 1950 « J’ai cherché un mot pour désigner ce que je voulais exprimer, cette finalité de nos actes chirurgicaux. Celui d’humanisme s’est imposé à moi, humanisme, élan de l’homme vers l’homme, recherche de chacun dans sa vérité ».L’Académie Nationale de Chirurgie est le point de rencontre entre la modération, la sagesse des anciens et le dynamisme et l’enthousiasme des innovateurs. Pluridisciplinaire, elle permet la confrontation des réalisations de toutes les spécialités magnifiées mais aussi tempérées par l’expérience des anciens.Gardienne de l’histoire, garante de l’éthique, évaluatrice rigoureuse des développements techniques, intégrant tous les aspects modernes de la chirurgie, associée aux réformes institutionnelles, attachée à la formation des jeunes, elle est bien le lien, ou, comme l’avait souhaité son dernier Président Georges Maréchal, destinée à « étudier, discuter et divulguer les nouvelles méthodes de l’Art opératoire ».Présider l’Académie n’est pas seulement un honneur, c’est une véritable aventure humaine et scientifique.Je ne peux pas terminer sans remercier tous ceux qui m’ont soutenu dans ma tâche :• Le Vice-Président, Dominique Franco qui va me succéder dans quelques jours et dont je sais qu’il mènera notre compagnie avec brio, Richard Villet le trésorier qui va accéder prochainement à de plus hautes fonctions, Xavier Martin l’archiviste dont les conseils nous ont été précieux bien au-delà des archives et nos deux Secrétaires de Séance, Jacques Caton et Philippe Massin qui, malgré une activité professionnelle importante ont assuré à chaque séance le commentaire du Procès-Verbal.• Notre Secrétaire administrative et de développement Pascale Decauville qui n’a qu’une idée en tête, dynamiser l’Académie et elle le fait bien.• Fatiha El Morabit gardienne scrupuleuse des E-Mémoires• Pascal Bouret qui assure chaque semaine la réalisation et la diffusion des vidéos• Et j’ai volontairement gardé pour la fin, le Secrétaire général Philippe Marre dont personne ne peut imaginer le travail colossal qu’il a accompli pour que l’Académie poursuive son développement, je veux profiter de cette occasion pour lui faire part de mon estime.• Et enfin remercier tous ceux d’entre vous qui par leur présence, leur participation, leurs idées ou simplement leur gentillesse m’ont accompagné pendant cette présidence et avant tout mon épouse qui a toujours voulu faire acte de discrétion mais il m’est impossible de ne pas rendre hommage à la disponibilité et à l’abnégation.Merci de m’avoir écouté.