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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

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Seance of wednesday 01 october 2014 (FORUM DE RECHERCHE CHIRURGICALE 2014 - 4 SEANCES / 18 COMMUNICATIONS (du mercredi 1er octobre au vendredi 3 octobre) organisé par l’AFC et l’Académie Nationale de Chirurgie, dotation Brothier)

Abstract

Le développement de stratégies personnalisées pour la prévention et la détection précoce des cancers, qui est le premier axe de recherche stratégique et innovant du plan cancer 2014-2019, pourrait permettre de diminuer la morbi-mortalité élevée des carcinomes épidermoïdes de la cavité orale en identifiant précocement les patients porteurs de lésions orales à haut risque de cancer. Notre objectif est de caractériser la dynamique des changements moléculaires au cours du temps dans les lésions à potentiel malin (LPM) de la cavité orale, afin d’identifier des évènements moléculaires clés dans leur processus de transformation maligne, qui pourraient être utiles dans la décision médico-chirurgicale comme biomarqueurs du risque de cancer plus performants que les seuls paramètres cliniques et histologiques.Nous avons étudié la dynamique du transcriptome au cours du processus tumoral dans un modèle murin de carcinogénèse orale induit chimiquement par un agent carcinogène (4-NQO). Notre hypothèse est que les changements d’expression des gènes dans ce modèle nous permettront d’identifier les patients ayant une LPM associée à un risque élevé de cancer et de mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Au total, 52 souris ont été réparties en un groupe contrôle et un groupe traité par le 4-NQO administré dans leur boisson pendant 8 semaines. Toutes les 4 semaines, 4 souris étaient sacrifiées dans chaque groupe et leurs langues étaient excisées puis incisées longitudinalement. Chaque hémi-langue était ensuite incluse, congelée puis coupée au cryostat pour coloration. Les différents aspects épithéliaux de la tumorigenèse multi-étapes observés dans ce modèle (normal, hyperplasie, dysplasie et tumeur) étaient repérés en collaboration avec un anatomopathologiste (VetagroSup, Lyon) puis microdisséqués par système laser couplé à un microscope. Après extraction et amplification des ARNs, un triplica biologique pour chaque stade de transformation était analysé sur puce d’expression. Nous avons identifié une liste de ~1300 gènes différentiellement exprimés entre les échantillons murins tumoraux et normaux, que nous avons ensuite validés après sélection de leurs orthologues humains (~1000 gènes), dans 3 séries humaines indépendantes comparant des échantillons tumoraux et normaux de la cavité orale. Certains gènes comme S100A9 ou le récepteur tyrosine kinase MET sont des candidats intéressants comme biomarqueur de risque ou cible thérapeutique potentielle. L’analyse de la dynamique d’expression de ces gènes au cours de la transformation maligne a permis d’identifier 2 groupes principaux de gènes : le « early change gene set » (ECGS), incluant 318 (32%) gènes dont l’expression se modifiait très précocement dès le stade d’hyperplasie et le « progressive change gene set » (PCGS) incluant 520 (53%) gènes dont l’expression se modifiait plus progressivement au cours du processus tumoral. Seul le PCGS était significativement associé au risque de développer un cancer chez 86 patients suivis prospectivement au MD Anderson Cancer Center (Houston, TX) pour une LPM, et pour lesquels nous disposions des données d’expression des biopsies de leur LPM. Ces résultats sont cohérents avec une étude que nous avons menée en parallèle dans la même cohorte de patients mais à un autre niveau d’altération moléculaire, et dans laquelle nous avons montré que la persistance des pertes d’hétérozygotie détectées sur des biopsies successives était plus significativement associée au risque de développer un cancer que leur seule détection à un temps donné. Ces données, issues d’une collaboration internationale et multidisciplinaire, soulignent la pertinence du modèle murin utilisé et l’importance de l’étude de la dynamique des changements moléculaires au cours du temps plutôt qu’à un moment donné de l’évolution. Nous espérons pouvoir ainsi personnaliser la prise en charge médico-chirurgicale des patients à risque de cancer de la cavité orale.