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The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Le larynx artificiel. De l'in vitro à la première implantation clinique

DUPRET A

Seance of wednesday 01 october 2014 (FORUM DE RECHERCHE CHIRURGICALE 2014 - 4 SEANCES / 18 COMMUNICATIONS (du mercredi 1er octobre au vendredi 3 octobre) organisé par l’AFC et l’Académie Nationale de Chirurgie, dotation Brothier)

Abstract

Objectif : La laryngectomie totale, pratiquée dans les cas de carcinomes pharyngo-laryngés étendus, induit une mutilation majeure avec d’importantes séquelles physiques et psychologiques par l’abouchement définitif de la trachée à la peau. À ce jour, seules des techniques de réhabilitation vocale sont disponibles pour améliorer la qualité de vie des patients. Grâce à un partenariat industriel et après plusieurs années d’études menées in vitro et in vivo, notre équipe a développé un larynx artificiel sans nécessiter de recours à un traitement immunosuppresseur. Matériels et Méthodes : Le larynx artificiel est composé de 2 structures : 1) une structure rigide inamovible biointégrable composée de titane poreux destinée à prolonger la trachée restante après laryngectomie totale ; 2) une double valve remplissant la triple fonction de respiration, déglutition, phonation. La prothèse inamovible est composée d’un assemblage de microbilles de titane avec une porosité de 25% autorisant une colonisation cellulaire de l’implant. L’intégration de la prothèse inamovible en remplacement d’un segment trachéal a été testée in vitro et in vivo sur les modèles animaux rats, lapins et brebis. Nos travaux nous ont mené à expérimenter : 1) différents protocoles opératoires d’implantation de la prothèse de trachée; 2) une modification de la composition et de la structure de la prothèse par ajout d’une structure polymérique microporeuse et biodégradable à base de PLA (poly(acide lactique)); 3) l'effet de la variation de la structure macroporeuse, par changement de la taille des billes de titane composant la prothèse. Suite à l’ensemble de ces résultats, nous avons réalisé la première application clinique du larynx artificiel.Résultats : 3 résultats majeurs découlent de nos travaux : 1) la tolérance de la prothèse de trachée en terme de survie chez le gros animal est améliorée lorsque l’on modifie le protocole opératoire par ajout d’un tube de silicone endoprothétique; 2) l’intégration tissulaire de la prothèse de trachée hybride constituée de titane poreux et de matériel polymérique biodégradable est supérieure à celle des prothèses en titane poreux nu; 3) la vitesse de colonisation des prothèses en titane poreux est accélérée lorsque l’on diminue la taille des billes. Sur le plan clinique, 2 premiers patients ayant subi l’ablation du larynx pour raison carcinologique ont été implantés avec une prothèse de larynx artificiel fonctionnelle en 2 étapes chirurgicales : 1) mise en place de la prothèse inamovible; 2) mise en place de la double valve par voie endoscopique dans un deuxième temps. La tolérance au matériel s’est révélée très bonne. Le rétablissement d’un néo-pharyngolarynx entre les voies respiratoires et digestives a permis aux patients de respirer par la cavité buccale, de s’exprimer avec une voix chuchotée et de déglutir la salive tout en maintenant l’orifice de trachéotomie fermé par intermittence. Conclusion : Nos études d’intégration de prothèses de trachées in vitro et in vivo ont permis de contribuer à la mise en place chez l’homme d’un larynx artificiel après laryngectomie totale (cancer du larynx). Cette implantation, première mondiale réalisée en 2012, laisse entrevoir, depuis la première laryngectomie réalisée en 1873, un véritable espoir de réhabilitation pour les patients devant subir cette mutilation. Il s’agit d’une preuve de concept qui nécessite un perfectionnement.Perspectives : Deux stratégies d’amélioration sont en cours d’étude: 1) traitement de surface visant à améliorer l’intégration tissulaire; 2) amélioration du système de valves concentriques visant à limiter au maximum le risque de fausse route. Notre équipe participe également à 2 projets européens i.e., le projet BiMOT avec pour objectif le monitoring en continu de l’intégration tissulaire des implants et le projet IMMODGEL visant à contrôler l’inflammation autour des prothèses par modification du phénotype macrophagique.