Fr | En
The e-mémoires of the Académie Nationale de Chirurgie

Face/off: après les autotransplantations tissulaires, l'allogreffe de la face constitue-t-elle l'aboutissement ultime de la chirurgie reconstructrice du visage ?

LENGELE B

Seance of wednesday 07 may 2014 (SÉANCE COMMUNE AVEC LA FONDATION DE L'AVENIR)

Abstract

Voici dix ans déjà presque, la première greffe mondiale du visage réalisée à Amiens appliquait mot à mot à la face l’un des principes fondateurs de la chirurgie plastique reconstructive, énoncé par Sir Harold Gillies au chevet des mutilés de la face de la Grande Guerre dont on fête cette année le centenaire : " Replace like tissue with like tissue ". Un siècle de tâtonnements et de progrès continus ont ainsi fait basculer les techniques de réparation des grandes pertes de substances des parties dures et molles du visage, des autoplasties cutanées séquentielles et des greffes osseuses non vascularisées, aux autotransplantations libres de tissus composites vascularisés, avec des résultats souvent de plus en plus heureux sur le plan de la restitution anatomique et esthétique, mais restant souvent imparfaits sur le plan d' une difficile restauration de fonction. Devenue possible grâce aux progrès de la biologique cellulaire et de la science immunologique en particulier, la transplantation faciale a permis de franchir la barrière du non-soi et a ainsi ouvert l'espoir d’atteindre de concert ces deux objectifs forme/fonction jusque-là presque inconciliables. Redevenu pleinement sensible et moteur, capable d’exprimer les sentiments de celui qui le porte, le visage greffé agit ainsi, dans le schéma cortical du receveur à qui il est reconnecté par toutes ses afférences et efférences nerveuses, comme le parfait vecteur d’une restauration ad integrum, effaçant une véritable blessure cérébrale dont les stigmates ont aujourd'hui été bien démontrés. Lèvres, joues, paupières, langue peuvent ainsi être restaurés en forme parfaite et en mouvements subtils comme jamais auparavant. Mais le prix de l'immunosuppression durable et de ses complications à long terme reste l’inéluctable tribu à payer à cette avancée significative qui doit s’autonomiser, dans l’avenir, de cette lourde contrainte. Les progrès de la biologie et l’exploitation des potentialités multiples des cellules-souches en particulier, viendront-ils au secours des chirurgiens qui une nouvelle fois, semblent toucher ici, aux limites de leur art et du techniquement possible ? Les avancées attendues pourraient venir de l'induction biologique durable de la tolérance, voie déjà longuement explorée dans la transplantation des organes solides, ou pourquoi pas de la définition d' un tout nouveau paradigme où faisant écho à Gillies à un siècle de distance, nous dirions que " Ce n'est pas au receveur de devenir tolérant à son au greffon, mais à celui-ci d' être construit pour lui être d' emblée compatible ".