Introduction de la séance
Seance of wednesday 19 march 2014 (CHIRURGIE HÉPATIQUE EN-DEHORS DE LA TRANSPLANTATION)
Abstract
Trois raisons motivent aujourd’hui la tenue d’une séance de l’Académie sur les techniques de chirurgie du foie : (i) la France est un des pays au monde où la chirurgie du foie, discipline jeune (la 1ère hépatectomie réglée fut faite à Paris en 1951) en constante évolution, est parmi les plus innovantes, (ii) c’est une chirurgie digestive complexe comprenant un panel d’interventions élevé, où l’intégration des technologies ergonomiques, optiques et robotiques voire de chirurgie amplifiée a été compliquée à mettre en œuvre compte tenu du poids et de l’anatomie du foie et du risque hémorragique, (iii) c’est une chirurgie dont les progrès techniques, associés aux progrès de la chimiothérapie, ont révolutionné le pronostic du cancer colorectal métastatique et du foie, respectivement 4ème et 2ème cause de cancer.[1] Le nombre d’hépatectomies (7500/an, 14 pour 100.000 habitants) est difficile à estimer en France compte tenu des imprécisions de codification par le système PMSI (Olivier Farges). Moins de 20% sont faites par voie coelioscopique. Moins de 6% des plateaux techniques en font plus de 50/an. La mortalité opératoire est de 3,2%, corrélée au volume d’activité. [2] La révolution coelioscopique a pris sa place dans l’arsenal des hépatectomies, le plus souvent tumorectomies ou segmentectomies pour des segments accessibles. La lobectomie gauche par laparoscopie est devenue un standard chirurgical et un modèle d’apprentissage. Mais la réalisation d’hépatectomies majeures reste peu codifiée (pertes sanguines, repères anatomiques fiables, séquences reproductibles). Une technique d’hépatectomie droite par laparoscopie, mise au point par Olivier Soubrane et Olivier Scatton a été prospectivement évaluée entre 2011 et 2013. Trente malades ont été inclus. Le taux de conversion était de 30%, le taux de transfusion était faible (7%) et le taux de complications de 20%, avec un résultat carcinologique satisfaisant. [3] L’immersion complète dans le champ opératoire est, depuis peu, rendue possible par la vision stéréoscopique et le robot. L’apport de la 3D (Brice Gayet) reste discuté car les études publiées sont contradictoires. La vision 3D faciliterait la réalisation pour les débutants et pour les experts, avec gain de temps et de qualité des gestes. La pixellisation aux mouvements de la caméra, la déformation des structures lointaines sont des limites technologiques. La fluorescence au vert d’indocyanine en lumière infrarouge permet de visualiser les voies biliaires ou la segmentation du foie. Dans un futur proche, l’incrustation d’images et le recalage temps réel vaincront la rigidité des représentations virtuelles. [4] La résection hépatique robot-assistée (Karim Boudjema) semble une technique sure, reproductible entre des mains expérimentées. Les séries rapportées dans la littérature sont courtes. Douze malades opérés sur une période de 18 mois révèlent les problématiques suivantes: l’absence de retour de force et l’importance du volume spatial de déplacement peuvent imposer une conversion en laparotomie (saignement ou défaut d’exposition). [5] Dans les résections hépatiques étendues le volume de foie fonctionnel restant est insuffisant pour supporter des contraintes hémodynamiques locales lié à l’hépatectomie. Afin de prévenir ce « barotraumatisme » hépatique qui est l’origine de lésions tissulaires, un anneau en silicone (Anneau MID-AVR™) a été inventé pour diminuer le flux portal avec un gradient de pression porto-cave intra-hépatique inférieur à 10 mm Hg dans les 48 premières heures après hépatectomie (Éric Vibert). Une meilleure compréhension du mécanisme physiopathologique responsable de l’insuffisance hépatique a généré le projet iFLOW (Intraoperative Fluorescence Liver Optimization Workup) financé par l’ANR pour la réalisation d’une modélisation mathématique du foie. Ce projet intégrant l’INSERM U787, l’INRIA et 2 sociétés (Fluoptics et MID) va évaluer les variations hémodynamiques, volumétriques, histologiques et fonctionnelles du foie restant après hépatectomie chez le porc. Ces données, analysées à une échelle macro- et microscopique, serviront à la réalisation d’une modélisation numérique du foie après hépatectomie (sur le modèle du « Virtual Liver Network » (http://www.virtual-liver.de/).Ainsi, en termes d’analyse de santé publique, de développement des standards et des innovations opératoires coelioscopiques, du défrichement des techniques robot-assistées et de la modélisation du comportement anatomo-hémodynamique la chirurgie du foie en France tient une place de premier plan dans le débat scientifique international.